Petite simulation en forme de provoc’
En Suisse, les votations se suivent et se ressemblent. Cependant, si les Suisses romands et les Suisses allemands sont souvent d’accord (8 fois sur 10), il arrive aussi qu’on se trouve face à une votation-röstigraben qui montre de plus grandes différences d’appréciation. Aujourd’hui, avec le projet de caisse publique accepté uniquement par Genève, Vaud, Neuchâtel et Jura, on se trouve à nouveau dans cette configuration.
Je me suis livré à une petite expérience sur le thème « qu’aurait décidé une Suisse romande indépendante lors des votations qui ont eu lieu ces 10 dernières années ?« . Les résultats sont assez frappants et étonnants (je précise que j’ai pris les 6 cantons majoritaires romands, avec leurs minorités germaniques qu’on ne peut pas facilement isoler statistiquement (à moins de disposer des données par commune et de faire un gros boulot), mais en laissant de côté la minorité francophone bernoise… Cela donne toutefois une assez bonne approximation quand même.
Il y a d’abord les textes acceptés par l’ensemble des Suisses et qui auraient été refusés par la Suisse romande :
L’initiative contre l’immigration de masse (non à 57,6% en Suisse romande), l’initiative Weber sur les résidences secondaires (52% – le Valais contrebalance à lui seul la courte acceptation des autres Romands), l’expulsion des délinquants étranges (54,7%), le durcissement des conditions de l’assurance-chômage pour les jeunes (58,4%), l’interdiction des minarets (50,6%), le passeport biométrique (51,9%), l’imprescriptibilité dans le cas des délits sexuels sur enfants (53,1%) et la réforme de l’imposition des entreprises qui ont fait perdre des sommes beaucoup plus importantes qu’annoncées à la caisse fédérale (52,1%).
Puis, il y a les textes refusés par l’ensemble des Suisse, mais qui auraient été acceptés par la Suisse romande :
Le prix unique du livre (61,4%), la protection contre la violence des armes (50,4%), la naturalisation facilitée pour les enfants de la 2e génération (60,2%), la naturalisation automatique pour la 3e génération (65,6%), l’initiative Services postaux pour tous (62,3%).
Lorsque les articles constitutionnels ou les textes de lois votées mettent en jeu le rapport à l’étranger ou le rôle de l’Etat, on voit apparaître de véritables différences d’appréciation. Une Suisse romande indépendante serait plus ouverte vis-à-vis des étrangers, plus indulgente avec ses jeunes chômeurs, considérerait le service postal comme un service public plutôt que comme une bonbonnerie, protégerait ses petits libraires et ferait surtout un peu moins de paranoïa en général.
Voilà. Contrairement à ce qui peut s’observer en Ecosse, en Catalogne ou ailleurs, les vélléités d’indépendance n’existent quasiment pas en Suisse romande et cette simulation est totalement artificielle. C’est bien une petite provocation, mais qui a l’intérêt de bien mettre en évidence certaines différences en matière politique.
Que faire de ces constats ? C’est à réfléchir… mais peut-être qu’il faudrait éviter de ne rien en faire.
Daniel
L’après-votation montre des vainqueurs ayant de la peine à assumer leur victoire
Depuis la votation du 9 février, on a pu suivre des réactions qui ont souvent été classées comme étant celles de mauvais perdants : réserver les quotas aux cantons qui ont dit oui même de justesse, envoyer les leaders de l’UDC négocier tout seuls à Bruxelles, stigmatiser les régions qui ont voté oui, etc. Cette position de « mauvais perdant » est bien connue, et chaque enfant ou presque a dû apprendre à s’en départir à l’occasion de jeux de société en famille ou avec des amis. Apprendre à perdre…
C’est évidemment également valable pour les votations et les « perdants » ont tout intérêt à afficher une certaine dignité. L’affaire est à mon avis entendue et de nombreux perdants de la dernière votation sont des habitués cuirassés par le nombre de défaites. C’est d’autre chose dont j’aimerais parler ici : en effet, on n’entend jamais évoquer l’inverse : le « mauvais gagnant ». A mon sens, aujourd’hui, il serait bon de se pencher aussi sur cet autre phénomène, et l’occasion de la votation du 9 février le permet assez aisément.
A mon sens, le mauvais gagnant est celui qui l’emporte dans une décision et qui n’est absolument pas prêt à assumer sa victoire et surtout les conséquences logiques ou inévitables de celle-ci. Cela peut venir d’une image difficile à assumer, de conséquences que l’on préférerait ignorer, de l’absence de proposition pour concrétiser la décision, de la conscience d’avoir mis tout le monde dans le pétrin ou d’avoir créé des difficultés inutiles. Dans le cas de l’initiative de l’UDC « contre l’immigration de masse », l’idée de « mauvais gagnant » pourrait tout particulièrement s’appliquer aux cas suivants :
En fait, je n’ai pas voté, mais je pense quand même que…
Là, c’est le comble de l’incapacité d’assumer de peur d’être associé aux Waldstätten ou à un autre croque-mitaine. Certains partisans de l’initiative aimeraient tant oublier leur vote et vont peut-être réellement l’oublier d’ici quelques temps.
De toute manière, cela ne va rien changer d’essentiel.
Réaction beaucoup entendue ces derniers jours pour minimiser la portée du vote et ses propres craintes. Mais si c’est pour ne rien changer d’essentiel, à quoi bon aller voter ?
Quoi ? Cela va affecter nos relations avec l’UE ? On nous a donc mal informés !
Réaction caractéristique de celui qui vote en se basant sur les slogans des affiches et des annonces et qui se plaint d’avoir été mal informé. Comme si la brochure officielle, les débats publics, les sites d’information et les journaux n’existaient pas !
L’Europe a décidé de se venger et de nous punir
C’est la position du gagnant-victime. Et plutôt que d’assumer que les décisions qu’il a prise auront naturellement des conséquences, il préfère transférer le poids de la décision sur un autre. C’est pas ma faute, c’est les autres !
Il s’agissait seulement de donner un « signal »
On retrouve cette défense chez ceux qui utilisent les votations pour manifester leur mauvaise humeur (ils semblent n’avoir jamais imaginé d’autres méthodes, comme les manifestations par exemple). Ils font mine d’ignorer que les votations consistent à adopter des textes constitutionnels ou légaux. Auront-ils un jour l’idée de lire les textes qu’ils votent ?
Cette décision n’a rien à voir avec les accords bilatéraux
C’est la position de ceux qui aimeraient croire qu’on peut avoir le beurre et l’argent du beurre, la libre-circulation sans les immigrants qui vont avec. Et leurs pulsions ethnocentriques les poussent à ne plus être capables de prendre en compte une partie du texte voté. Faire comme si…
Ce n’est pas au camp du « oui » de dire ce qu’il faut faire maintenant
Là, c’est le toupet du sans-gêne. C’est prendre une décision en rupture avec ce qui avait été décidé jusque-là et laisser les autres se débrouiller. C’est comme jeter la vaisselle par terre et demander aux autres de ramasser.
J’aimerais voir les gagnants de cette votation assumer leur victoire, tout simplement. Ce serait déjà pas mal.
Daniel
Lecture d’un prospectus de campagne trouvé dans ma boîte à lettres…
Comme beaucoup de monde, je constate jour après jour quelle masse de moyens de propagandes est engagée par les opposants à l’initiative Minder. Economiesuisse avoue quelque 8 millions de francs et ce n’est guère étonnant tant les affiches, encarts publicitaires et tous-ménages se multiplient à profusion. Manifestement, ces gens ont été formés à l’armée ou chez Jeunesse & Sport tant ils semblent priser la « pédagogie de la répétition »…
D’emblée, le gros titre du dépliant me heurte : « Nous aussi, nous sommes contre les salaires excessifs« . Pure langue de bois qui ne mange pas de pain, puisqu’ils n’auraient jamais pu écrire qu’ils étaient POUR les salaires abusifs. C’est un peu comme dire qu’on est pour la sécurité, pour la démocratie, pour la prospérité. Cela ne coûte rien, mais permet de caresser le lecteur dans le sens du poil. Pour continuer dans la même veine, un texte de première page reconnaît à Thomas Minder « le mérite d’avoir soulevé le problème des salaires excessifs« . Mais alors, pourquoi ceux qui sont « contre » ces salaires n’ont-ils donc rien entrepris avant qu’un patron de PME ne se lance ?
Mais cette accroche indulgente pour Thomas Minder est suivie par un condamnation sans appel : l’initiative « manque complètement sa cible« , « aura des conséquences désastreuses pour notre économie, nos caisses de pension et nos emplois« . Comme les animateurs de l’émission 120 secondes l’avaient déjà brocardée, la propagande des adversaires de l’initiative consiste à promettre la ruine et le chômage. A coup de millions…
Mais ce n’est pas tout. Ce document contient encore des assertions qui sont de parfaits mensonges.
Notamment celle qui veut que le contre-projet entrerait automatiquement en vigueur en cas de refus de l’initiative. De fait, le terme de contre-projet est un peu abusif, puisqu’il s’agit d’une loi – on parle alors de « contre-projet indirect« , nouvelle expression qui entretient la confusion avec le véritable contre-projet constitutionnel – qui pourrait donc faire l’objet d’un référendum facultatif et pourrait être refusée. C’est donc un PUR MENSONGE que de prétendre qu’elle entrerait « automatiquement » en vigueur puisqu’elle ne serait que publiée au journal officiel et sujette au référendum. Quand on se souvient des nombreuses manoeuvres parlementaires auxquelles on a assisté depuis le lancement de l’initiative, il ne faudrait pas être trop étonné de voir certains lancer un référendum puis combattre la loi en votation. Il n’y a que les mensonges qui sont automatiques dans cette histoire…
Ensuite, les principaux arguments des initiants sont listés et accompagnés de la mention « faux« . A lire le prospectus, on pourrait croire que les auteurs de l’initiative sont de parfaits analphabètes qui disent n’importe quoi. Qui le croira ?
Le sujet des rémunérations au sein des grandes sociétés est complexe. Mais ce genre de matraquage à coups d’arguments simplistes, à coup de millions, est détestable. Il pourrit la démocratie. D’ailleurs, la disproportion des moyens entre deux camps en présence à l’occasion de nombreuses votations donne de plus en plus la nausée. Lorsque certains peuvent se permettre une telle supériorité financière, il ne s’agit plus de démocratie, mais d’oligarchie. Une oligarchie directe, en somme.
Personnellement, je ne peux plus soutenir une cause défendue avec de tels moyens : une méfiance instinctive me dit que ceux qui sont prêts à dépenser autant d’argent ne peuvent le faire que pour défendre des intérêts privés qui sont colossaux… sans quoi ils ne ne le feraient pas. La loi du retour sur investissement…
Le débat me laisse encore un peu perplexe : il me reste donc le choix entre le oui à l’initiative et le vote blanc. Mais il est exclu de soutenir la campagne des oligarques. Beurk.
Daniel
Le Conseil national a donc commencé ses débats sur l’initiative du GSSA qui propose l’abrogation de l’obligation de servir. C’est donc l’occasion pour tout ce que la Suisse compte d’adeptes de la chose militaire obligatoire de multiplier les superlatifs, dans la veine du « remettre en cause l’obligation de servir et l’armée de milice, c’est atteindre à l’identité suisse » que le Temps du 12 décembre relaie comme « l’idée qu’une très large majorité de parlementaires se fait du lien entre le pays et le système de milice« .
On y revient encore et toujours : la Suisse n’a pas seulement une armée, elle est une armée… Comme si la suppression du système militaire obligatoire en France avait porté un coup fatal à l’identité française. Il faut dire que la Suisse officielle a ses mythes : Morgarten et ses troncs d’arbres, Näfels et ses avalanches, Sempach et Winkelried, le réduit et son Emmental de béton… J’en passe, et des meilleurs. Mais la France pourrait aller rechercher Bouvines, Marignan, Valmy, les conquêtes de Napoléon, le Conseil national de la résistance… Bref, tout cela pour dire qu’il va falloir affronter une campagne de votation très émotionnelle, surtout du côté de ceux qui chérissent leurs souvenirs de vieux non-combattants !
Les diverses propositions constructives pour faire sortir la « meilleure armée du monde » d’Ueli Maurer de sa torpeur passéiste (en train de préparer la seconde guerre mondiale, matinée de reliefs de la première) sont repoussées d’un revers de manche vert-de-gris sans y réfléchir. Quant aux menaces autres que celles des chars d’assaut ennemis, celles qui correspondraient vraiment aux risques de ce XXIe siècle, elles sont priées de se faire oublier. Par contre, on peut repérer des arguments amusants au passage, comme Yvan Perrin qui explique que le modèle du GSSA n’existe pas ailleurs (un gouvernement collégial non plus !) ou l’UDC Roland Büchel qui ne veut pas « remplacer le soldat-citoyen par des rambos » (quand on sait le nombre de rambos autoproclamés que comptent les rangs du parti !). Bref, on a pas fini de rigoler.
C’est pourtant un autre aspect que l’enjeu purement militaire que j’aimerais évoquer ici. Un élu PDC valaisan a eu les propos suivants : « En supprimant l’obligation de servir, on supprime la cohésion nationale et sociale » (Excusez du peu !). Alors, parlons-en. Et en chiffres, si vous le voulez bien… L’article du Temps mentionne 40’000 jeunes appelés chaque année au recrutement, parmi lesquels 25’000 seront déclarés aptes au service militaire ou au service de remplacement (c’est le service civil péniblement obtenu après des années consacrées à emprisonner les objecteurs de conscience !). 25’000 sur 40’000, cela fait 62,5 %, soit déjà 37,5 % des appelés qui ne participeront pas à cette grande fête de la « cohésion nationale et sociale« …
Mais ce n’est pas tout. Il vaut la peine d’aller visiter le site de l’Office fédéral de la statistique et ses chiffres sur la structure par âges de la population suisse. Il en ressort que la population en âge d’être recrutée tourne autour de 95’000 personnes. Dans ce chiffre, on trouve plus de 46’000 femmes, pour qui le service militaire n’est pas obligatoire. On trouve aussi près de 18’000 étrangers (hommes et femmes confondus, qui ne sont évidemment pas convoqués sous les drapeaux). Les femmes et hommes étrangers correspondent donc grosso modo aux 55’000 qu’il faut soustraire des 95’000 pour arriver aux 40’000 appelés. Mais il faudrait, pour bien faire, tenir aussi compte des double-nationaux qui bénéficient d’une convention leur permettant d’assurer leurs « obligations militaires » dans un pays étranger où l’armée n’est pas obligatoire (la France ou l’Argentine, notamment).
Il reste donc 25’000 personnes qui vont participer à un service obligatoire sur un total de 95’000. Pour déterminer le nombre de soldats, il faudrait encore déduire les civilistes, plusieurs milliers par année (disons environ 5’000). J’en arrive donc à considérer que les militaires sont 20’000 sur 95’000 d’une classe d’âge, soit 21 %. Et on voudrait me faire croire que l’armée est le creuset de la cohésion nationale et sociale !!!
Ces 21 %, en tout cas ceux qui ne s’enthousiasment pas à l’idée d’aller courir déguisés dans les bois, sont ainsi condamnés à des mois de privation de liberté auxquels n’est pas astreinte la majorité de leurs camarades du même âge. Parce que c’est bien de privation de liberté qu’il faut parler ici : laisser en plan les études, la formation professionnelle et tous les autres projets pour aller attendre, attendre, encore attendre, faire des exercices idiots, ranger des objets dans un sens, puis dans le sens inverse, puis de nouveau dans le sens premier, s’aligner et aboyer très fort, changer de tenue dix fois par jour. Du temps perdu, tout le contraire de l’efficacité managériale encensée par les mêmes qui votent les budgets militaires au garde-à-vous. S’il y a un endroit où chaque jeune Suisse peut imaginer à quoi ressemble une prison, c’est bien à l’armée. Alors, on pourrait les libérer, cela serait bon pour eux et pour l’économie suisse. Ou alors proposer des services réellement utiles et efficaces, loin du folklore actuel.
Daniel
PS : J’avais tenté, il y a deux ans, d’imaginer une façon d’intégrer tout le monde dans un service national et égalitaire.
A propos d’une phobie du président du PDC suisse…
.
Depuis qu’il s’est découvert une fibre écologique, Christophe Darbellay, le président du parti démocrate-chrétien suisse (PDC) a une peur bleue de montrer ses orteils. Du coup, jamais il n’acceptera de porter des sandales !
On hésiterait presque à lui proposer la manière suisse-allemande de les porter, avec des chaussettes… Parce qu’il doit quand même avoir chaud aux pieds, quand il finit par prendre des vacances et décide de s’aérer quelque peu (mais jamais les pieds, seulement le torse ou les jambes). Moi qui essaie d’être quelque peu attentif à la politique dans les médias, j’ai été frappé de voir le président PDC parler particulièrement souvent de sa phobie de la sandale. Jugez plutôt :
Sur une page du site du PDC, on peut lire sous sa plume : « Je ne suis pas un écolo en sandales« . C’est sa première phrase, ce qui indique là une réelle priorité personnelle. Mais ce n’est pas tout : le 14 février 2009 (soit peu après sa conversion à l’écologie, je présume…), Christophe Darbellay énonçait déjà sa préoccupation : « Nous ne voulons pas promouvoir une politique de verts en sandales » ! Juillet 2010, rebelote à propos d’environnement et d’économie verte : « Ne laissons pas les écolos en sandales s’en occuper ! » et dans la foulée, en août 2010 : « Le conseiller national valaisan Christophe Darbellay a également plaidé pour une Suisse qui a inscrit la durabilité en majuscules. Il entend laisser à la gauche qui prêche l’écologie en sandales et pull en laine les taxes et les interdictions« . La gauche n’a qu’à montrer ses pieds… lui ne nous montrera jamais les siens. Pudeur catholique oblige ?
Et je ne vous parle pas du nombre de fois que je l’ai entendu à la radio ou à la télévision évoquer cette aversion pour les sandales !
Vous pensiez que cette obsession avait passé ou que Darbellay avait entreprise une podopsychothérapie ? Eh bien, non. Au contraire : la phobie s’aggrave et s’intensifie. Le 9 février 2011, il évoque « le val d’Entremont, où on n’aime pas forcément les écologistes en sandales« . Un peu comme les Appenzellois qui n’acceptent pas les adeptes de la randonnue… Et les premiers jours de septembre viennent confirmer que, décidément, le président PDC persistera encore longtemps à cacher ses orteils. 1er septembre 2011 : « Nous ne faisons pas de l’écologie en sandales« . 5 septembre 2011 : « Je n’ai jamais été un écolo en sandales« .
Au fond, si Darbellay a un jour porté des sandales, c’est quand il était enfant et surtout, longtemps avant de découvrir l’écologie. Depuis, c’est sûr, pour toujours… pas de sandales ! Vous entendez ?
Chacun ses manies et ses obsessions. Christophe Darbellay affronte donc avec courage une forme aïguë de podophobie. Jamais vous ne verrez ses pieds, c’est sûr. Et évitez aussi de montrer les vôtres, vous risqueriez d’y perdre définitivement toute crédibilité auprès de lui.
Après tout, on avait bien des politiciens xénophobes. Voici venir la nouvelle vague podophobe. Scandale !
Daniel
Quand l’originalité de la Suisse tient au décalage temporel…
.
Je lisais aujourd’hui avec un peu de retard un article paru dans « Le Temps » du 8 avril et présentant des scénarios élaborés par « l’Etat-major de prospection de l’administration fédérale« . On y trouve pêle-mêle diverses prospectives concernant l’énergie, l’intégration européenne, la démographie, l’âge de la retraite ou encore la capacité d’intervention de l’Etat. L’un des scénarios envisage même l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen (EEE) en 2019 (!), soit 27 ans après le refus de 1992. Cette idée provoque chez moi une grande perplexité et m’incite à jeter un regard vers le passé.
Au fond, la Suisse est assez coutumière de décisions en décalage avec les pays voisins. Nous n’avons adhéré à l’ONU qu’en 2002. Le droit de vote des femmes, au niveau fédéral, n’a été accepté qu’en 1971, longtemps après nos voisins. L’assurance-maternité a été attendue pendant des décennies, à l’instar du service civil. L’assurance-chômage aussi a été plutôt tardive, peut-être parce que le besoin s’en faisait moins sentir qu’ailleurs. Nous avons même adopté l’heure d’été avec quelques années de décalage…
Si au moins il s’agissait de faire vraiment différemment, d’adopter des politiques originales… Mais non, il s’agit le plus souvent de faire simplement comme les autres… mais plus tard. Comme s’il nous fallait plus de temps pour comprendre ou nous soumettre (à choix !).
Il convient de relativiser quelque peu cette impression : il arrive aussi à la Suisse de jouer un rôle de pionner, par exemple dans les domaines de la politique de la drogue et de la gestion des déchets. Mais il y a aussi des domaines dans lesquels on attend encore l’inévitable évolution, notamment en ce qui concerne l’équité du financement des partis politiques ou la mise en oeuvre d’une armée de volontaires.
Je crois que les domaines qui incarnent le mieux cette tendance à repousser les échéances sont ceux du secret bancaire et de l’intégration européenne. Voici des enjeux qui sont résolument gérés à reculon, en espérant que le moment fatidique arrivera le plus tard possible. Qu’on soit ou non favorable au secret bancaire traditionnel ou à une adhésion à l’Europe, on ne peut que déplorer cette façon de faire de la politique avec un rétroviseur.
Si le projet politique suisse consiste trop souvent à reprendre les idées des autres, mais avec du retard… c’est en somme assez triste. Osons donc définir des projets originaux ou sinon, décidons-nous plus vite !
Daniel
L’Hebdo du 3 avril 2011 : Financement occulte des partis : L’insoutenable omerta
http://www.hebdo.ch/financement_occulte_des_partis___omerta_95558_.html
Enfin… j’ai vraiment envie de dire : enfin ! Les élections fédérales 2007 avaient été dominées par les millions d’une gigantesque campagne publicitaire du premier parti de Suisse. Sous le choc du macro-marketing-politique, les adversaires de l’UDC avaient un petit peu réagi pendant les semaines qui suivirent en se demandant s’il était bien normal que les moyens financiers des partis soient aussi disproportionnés. Puis, le sujet fut assez rapidement oublié… la presse avait d’autres faits divers à fouetter. Six mois avant l’échéance fédérale suivante, le sujet revient à la une de l’actualité…
Mais il est probablement trop tard. Les élections fédérales 2011 vont pouvoir confirmer, voire amplifier les constats faits en 2007. Le dossier proposé cette semaine par « l’Hebdo » articule quelques chiffres intéressants, basés sur les éléments fournis par Media Focus quant au financement des cinq principaux partis entre 2007 et 2010 : UDC 34 649 000.-, PLR 19 515 000.-, PS 9 260 000.-, PDC 7 770 000.-, VERTS 2 059 000.-.
L’Hebdo précise que ces chiffres ne tiennent pas compte d’un tous-ménages de l’UDC qui a coûté 3,9 millions de francs. Dans ces conditions, en tenant compte de ce dernier élément, l’UDC arrive à 38,5 millions alors que les quatre autres grands partis atteignent ensemble la somme de 38,6 millions. L’UDC dispose d’autant d’argent que l’ensemble de ses adversaires, de droite comme de gauche. Un autre calcul montre que la droite dispose de 65,8 millions alors que la gauche n’a que 11,3 millions. Même si on retire le PDC de la droite (en le plaçant alors au centre), on a encore 58 millions à droite. La disproportion des moyens est stupéfiante.
Omerta, financement occulte… l’Hebdo pose ici les bonnes questions : « La Suisse peut-elle continuer à se croire une démocratie modèle alors qu’elle dispose d’un des systèmes de financement des partis parmi les plus opaques d’Europe ?« . Et c’est sans évoquer le gigantesque réseau de lobbys économiques qui irradie le palais fédéral… La majorité est régulièrement détenue par un parti bancaire, un parti atomique ou un parti chimique. Ce ne sont pourtant pas ceux qui se sont présentés devant les électeurs…
Bien sûr, on peut toujours soutenir que l’argent ne fait pas gagner une votation ou une élection. Il y a évidemment un lot de contre-exemples qui empêche de faire un lien systématique entre financement et résultat. Cela dit, celui qui a le meilleur porte-voix peut mieux se faire entendre. Disposer de moyens importants, ou carrément dominants, permet d’imposer les thèmes, de fixer l’agenda politique ou encore d’entretenir un certain climat de campagne. Et puis, il faut arrêter d’ergoter : si la publicité ne marchait pas, cela ferait longtemps qu’on aurait renoncé à gaspiller des millions en vain.
Cette particularité de la démocratie suisse est en train de déraper dangereusement et expose à plusieurs dangers :
1) Le secret
Par définition, le secret sur les enjeux importants colle mal avec la démocratie. Les citoyens ont le droit de savoir qui est derrière les décisions prises au gouvernement ou au parlement. L’omerta est le fait de la mafia, pas de la démocratie.
2) L’inéquité
Comme dans le sport, le financement occulte agit ici comme une forme de dopage. On est très loin de l’équité sportive et les meilleurs arguments ne servent à rien s’ils restent confidentiels. C’est même assez immoral.
3) La tentation de la surenchère
Pour se défendre, les partis actuellement défavorisés vont être tentés de mettre beaucoup d’énergie dans des recherches de fonds, au détriment des programmes et de la réflexion. Et nous finirons par avoir des campagnes à l’américain, flonflons et paillettes en prime.
4) La corruption
Celui qui finance en secret un parti politique ne le fait pas gratuitement. Il attend un renvoi d’ascenseur. Cette façon de procéder s’apparente à de la corruption. Combien coûte une décision favorable ?
5) L’influence rédactionnelle
Lorsqu’un parti devient un annonceur important dans les médias, il finit par avoir une influence sur le contenu rédactionnel. Pas explicitement, mais par effet d’autocensure. Difficile de sortir un scandale si on prend le risque de perdre une partie du budget du journal…
Combien ont déjà baissé les bras ? La publication des comptes serait facilement contournable, le financement public inacceptable pour les électeurs, des fondations et comités de soutien feraient diversion… Arguments d’autant plus faciles qu’on n’a tout simplement pas essayé de moraliser le système !
Et puis, il y a bien évidemment tous ceux qui n’ont pas envie de changer parce qu’ils sont les gagnants du système. L’UDC, d’abord, mais aussi le parti libéral-radical. Son secrétaire Stefan Brupbacher, cité par l’Hebdo : « Il n’y a que le président Fulvio Pelli et moi qui connaissons la provenance des fonds« . Comme je n’aimerais pas être militant ou candidat d’un parti dont on ne peut pas savoir s’il est financé par des gens peu fréquentables…
Il existe pourtant des voies qui pourraient être explorées, afin de revenir à une démocratie qui ne dérive pas vers la ploutocratie. Mais cela demandera du courage et de la volonté… Et comme ces qualités sont souvent à vendre, la démocratie risque bien d’être corrompue.
Daniel
Le Temps du 26 mars 2011 : «On ne peut pas simplement dire qu’on ne veut plus de nucléaire»
Le Temps publie ce samedi une interview sur une page entière de la ministre de l’énergie Doris Leuthard. Pour ma part, j’ai eu la chance de rencontrer l’ombre qui la suit partout, le côté obscur de la ministre, Dark Leuthard… sa face cachée ! C’est une rencontre très intéressante, dans la mesure où Dark Leuthard s’exprime très différemment de la conseillère fédérale, en ne souriant jamais, très franchement, sans chercher à cacher quoi que ce soit et surtout… sans langue de bois !
Voici donc l’interview de Dark Leuthard, basée sur les mêmes questions que celles posées par « Le Temps » :
(Dans l’idéal, il vaut mieux lire d’abord l’interview de la face visible de la ministre…)
La catastrophe de Fukushima a-t-elle ruiné la confiance de la ministre de l’Energie dans le nucléaire ?
Oh non… qu’allez-vous imaginer là ? Nous n’avons en fait jamais pris au sérieux les risques de l’énergie nucléaire. Les accidents n’ont lieu que dans des pays dirigés par des bureaucraties communistes ou dans ceux qui construisent sur les limites des plaques tectoniques. La Suisse n’appartient à aucune de ces deux catégories. Mais nous devons quand même faire semblant de nous y intéresser… N’oubliez pas qu’il y aura les élections fédérales en octobre 2011 !
Le Conseil fédéral n’a-t-il pas surestimé la sécurité des centrales ?
Bof. Franchement, tout ça, c’est le problème des experts. Si les experts se trompent, c’est de leur faute, pas de la nôtre. En tout cas, moi, je n’y suis pour rien.
Après Tchernobyl, on a dit: «Cela ne peut pas arriver chez nous.» Que dites-vous après Fukushima ?
Mais c’est pareil. Les Japonais sont tout aussi nuls que les Soviétiques. Nous, on est bien meilleurs ! Ce n’est évidemment pas le moment d’aller raconter ça à la radio ou à la télé, mais vous pouvez compter sur moi : sitôt que tout sera un peu oublié, on reviendra de toute manière au nucléaire.
Vous parlez de tremblement de terre, mais la catastrophe de Fukushima a été provoquée par un tsunami. Or, il n’y a aucun risque de tsunami en Suisse. N’est-on pas en train de surréagir ?
Bien sûr… on est complètement dans l’émotionnel, on voit des images horribles et on peint le diable sur la muraille. Et comme nous savons à quel point le peuple est sensible à l’émotionnel (souvenez-vous des minarets !), nous sommes bien obligés de faire semblant de nous apitoyer aussi. Mais l’important, c’est de garder le sourire !
Le point faible en Suisse pourrait être la centrale de Mühleberg. Ses exploitants doivent-ils s’attendre à ce que sa fermeture soit ordonnée ?
Mais chuuuut ! Ne prononcez pas ce nom, pas maintenant ! La centrale de M. est vieille et complètement pourrie, mais comme est les meilleurs, on va réussir à colmater comme des bêtes pour en tirer encore du jus pendant quelques années. C’est un sujet que nous devons mettre un peu de côté jusqu’à ce que le thème « Fukushima » sorte du champ médiatique. Vous savez, ça va assez vite. Tenez, qui parle encore de la plateforme pétrolière de BP dans le golfe du Mexique ?
La procédure d’autorisation des nouvelles centrales est suspendue. Jusqu’à quand ?
C’est une affaire de timing… dont j’ai chargé mes « spin doctors ». Il leur faudra décider du moment optimal en fonction du facteur oubli et du coût lié à l’attente. On optimise !
La population s’est exprimée de justesse en faveur du nucléaire ces dernières années. Pensez-vous que, après Fukushima, il subsiste la moindre chance politique de faire accepter une nouvelle centrale ?
Mais bien sûr ! C’est d’ailleurs exactement ce qui s’est passé après Tchernobyl. Cela prend un peu de temps (et le temps, c’est de l’argent !), mais en y mettant des moyens et en recourant à un lobbyisme actif, rien n’est impossible. Je suis confiante… et souriante.
Dans quelle mesure est-il nécessaire de trouver des solutions communes en Europe ?
Décidément, vous avez l’art de mettre les pieds dans le plat. Qu’est-ce que vous venez parler d’Europe alors qu’on est en pleine campagne électorale ? Vous voulez faire le beurre de l’UDC, pour qu’ils nous piquent encore des sièges ? Ne le répétez pas, mais nous sommes déjà dans l’Europe électrique… et nous faisons des affaires du tonnerre, par exemple en achetant du courant nucléaire pas cher la nuit à la France pour faire remonter de l’eau dans des lacs de barrages et nous vendons ensuite du courant cher aux heures de pointe à l’Italie…Tout bénéfice !
Ne sera-t-il pas trop coûteux pour les promoteurs de construire une nouvelle centrale nucléaire ?
Mais on s’en fout ! Vous savez, en fin de compte, c’est le consommateur qui paie…
Quelles solutions de rechange voyez-vous pour le nucléaire ?
Pourquoi tenez-vous donc tant à des solutions de rechange ? Je vous ai pourtant bien expliqué ! Puisque vous insistez, je vous donne une piste : on augmentera le coût de l’électricité de consommation privée des ménages ou celle des PME… mais pas question d’embêter les grandes entreprises !
Ces mesures pourraient-elles remplacer une centrale nucléaire ?
Aujourd’hui, je dois répondre publiquement oui. Mais demain… Hé hé !
Quelles énergies renouvelables vous paraissent-elles les plus prometteuses ?
Décidément, vous êtes têtu ! On ne va pas remplacer le nucléaire, on va faire du nucléaire + plein d’autres choses. Du moment que cela rapporte, comme le pompage-turbinage, il n’y a pas de raison de se gêner.
Et les centrales à gaz ?
Je n’aime pas beaucoup l’odeur du gaz… mais si le rendement financier est bon, c’est tout bon !
Les centrales à gaz sont-elles compatibles avec la loi sur le CO2 votée par le Conseil des Etats ?
Ah… ceux-là… quels emmerdeurs ! Voilà qu’ils veulent tout à coup de préoccuper du climat. On s’était pourtant mis d’accord, c’était les pays lointains qui devaient se prendre la tête avec ça. Mais ne vous inquiétez pas : les spin doctors et les lobbyistes vont nous trouver une manière de contourner tout cela.
Le rehaussement du barrage du Grimsel et l’implantation d’éoliennes se heurtent à des oppositions. Ne faudrait-il pas restreindre le droit de recours ?
Vous avez décidé de faire le tour de Suisse des casse-pieds. Nous sommes obligés de les supporter, mais on trouvera bien un moyen de les convaincre… comptez sur mes spécialistes !
Vous avez repris les rênes du DETEC avec l’image d’une pro-nucléaire. Mais vous pourriez entrer dans l’histoire en tant que ministre de l’abandon du nucléaire. Comment vivez-vous cela ?
C’est tout le problème quand on a été repéré, on n’arrive plus à se défaire d’une mauvaise réputation. Et pourtant, vous ne vous imaginez pas comme j’essaie de tout faire pour être la plus discrète possible. Par exemple, je n’ai jamais déposé d’interpellation parlementaire dans ce domaine. Mais vous savez, l’important reste que je travaille à la manière de remettre sur la table le plus vite possible l’énergie nucléaire. Je ne souhaite pas être la ministre de l’abandon du nucléaire…
Propos recueillis par Daniel
Elections communales lausannoises : remarques d’un commentateur dilettante de la chose publique
.
Billet invité
Voici un billet proposé par un collègue à propos des résultats des élections communales à Lausanne le weekend passé. Je vous souhaite une bonne lecture ! Daniel
.
Désordre local pour un ordre global
Citoyen lausannois, j’ai voté par correspondance et j’ai été chercher les résultats officiels du scrutin du 13 mars 2011 pour l’élection du Conseil communal de Lausanne.
La première chose qui saute aux yeux à la lecture de la liste des sièges obtenus, c’est l’absence de « petits » partis ou d’indépendantEs.Qu’on se le dise : il y a peu de place pour la dissidence. Cinq partis « squattent » l’hémicycle. La personnalité peut s’exprimer : oui ! mais au sein d’un parti… Cette voix discordante, qu’elle me fasse un peu peur comme celle de « Lausanne Libre » avec son discours foireux du « ni de droite ni de gauche » et ses 20’910 suffrages ou qu’elle cherche à s’exprimer par le « Parti Pirate » (18’297 suffrages), n’a pas droit de cité. Zéro siège obtenu.
Même le « Parti vert’libéral » et sa tentative de réconcilier les idéologies écologiste et libérale, avec ses 91’533 suffrages, est exclu du cénacle. Les plus petites formations au niveau communal qui représentent la population, « La Gauche » ou l’UDC, totalisent 13 ou 14 éluEs. Autant pour la diversité des problématiques, la pluralité des opinions. Tu te soucies de la classe moyenne, tu votes PSL. Tu as des préoccupations d’ordre économique, tu votes PLR. Tu t’inquiètes pour les pâquerettes, tu votes Verts. T’es pas raciste, mais tu veux défendre d’abord ceux de ta race, tu votes UDC. Tu t’intéresses à la marge, à l’exploitation, à la solidarité institutionnelle, tu votes « La Gauche ».
Séduisant, non?
Passé l’effroi de la constatation de la stérilité du terreau politique, j’ai regardé les résultats individuels des 100 personnes élues. Deux surprises dans ce classement. Outre la première place d’Oscar Tosato (PSL) avec 8’608 suffrages et la deuxième place de Olivier Français (prime aux sortants), on note la relative contre-performance du Syndic Daniel Brélaz qui se place en 7e position. Seulement avec un modeste 6’489 suffrages. Pas de polémique.
La seconde surprise des résultats du week-end, c’est le mauvais score de l’UDC. Perspective réjouissante, si l’en est; même si les élections du Conseil communal de Lausanne présentent certains biais (sensibilité urbaine, romande…). Le meilleur élu du parti du bouc n’arrive qu’à la 71e place avec 4’294 suffrages et le vociférant Claude-Alain Voiblet à la 75e avec seulement 4’222 suffrages. Un peu moins que la moitié du résultat d’Oscar Tosato.
Que dire du 100e Conseiller communal et son misérable 2’879 suffrages. Sur 2’295’010 suffrages exprimés! Sur 290’456 obtenus par son parti ! Sur 23’612 votants qui peuvent accorder deux fois leur confiance à la même personne ! Faible ancrage populaire pour un tel pouvoir de nuisance.
La légitimité des urnes permet-elle ce « hold-up » du débat politique et social par les représentantEs du parti le moins bien élu, auquel on assiste en ce moment sous nos yeux ébahis ? Les défis auxquels nous faisons face autorisent-ils qu’on laisse polluer les discussions par la méfiance systématique, par la peur tacite, l’égoïsme masqué ? Les enjeux de la situation sont-ils si peu importants qu’on accepte de concevoir et de mettre en oeuvre des solutions qui sentent le souffre, qui visent à éluder les problèmes, à désigner des boucs émissaires; solutions qui ont d’ailleurs largement fait la preuve de leur nocivité.
Durant cette législature, va-t-on gérer de la pathologie sociale et humaine (clin d’oeil à Claude Bourguignon) ou va-t-on faire de la politique ? Si tant est qu’on puisse en faire dans un organe législatif ?
Régis, sur une idée d’Anne
A propos des moratoires décidés précipitament par des dirigeants pourtant pro-nucléaires
.
Il y a moins d’une semaine, l’énergie nucléaire était encore selon la majorité de nos gouvernants (et notamment notre ministre de l’énergie, Mme Leuthardt) une solution d’avenir pleine de promesses. Le conseil fédéral se préparait à développer à nouveau la filière. Las… les souvenirs de Tchernobyl viennent d’être ravivés par la catastrophe au Japon.
Bien sûr, comme on a pu dire que la catastrophe en Ukraine était due à l’incurie de « l’administration communiste », on expliquera cette fois que l’accident est dû à la situation très particulière du Japon sur une zone tectonique de subduction très propice aux tremblements de terre. Il y a toujours une explication. Cela me rappelle furieusement ces élèves qui expliquent leur échec par la méchanceté du prof, par un mauvais conseil de leurs parents, par un événement imprévu, voire par la météo… sans jamais envisager de remettre en question leur méthode de travail ou leur propre gestion du temps.
Or, il faut bien le dire et le redire : l’énergie nucléaire est un grand bricolage ! On enclenche une réaction en chaîne atomique, puis on la maintient à un certain niveau d’activité par divers systèmes de contrôle et de refroidissement. On installe même des systèmes de contrôle pour c0ntrôler les systèmes de contrôle qui contrôlent le système… Mais on n’est jamais complètement à l’abri d’une erreur humaine (Tchernobyl) ou d’une catastrophe nucléaire (Fukushima). Evidemment, la Suisse n’a pas une « administration communiste » et ne risque pas le Tsunami. Très bien. Alors, quels peuvent être les imprévus chez nous ? Il y en a toujours… Mais avec une réaction en chaîne nucléaire, les conséquences peuvent être hors de proportion.
Toujours est-il que, tout à coup, la catastrophe au nord-est du Japon entraîne tout à coup des décisions de moratoire ou de report dans des pays européens, notamment en Suisse et en Allemagne. Ceux qui prennent ces décisions sont les mêmes que ceux qui nous assuraient la semaine passée que tout allait bien. Alors quoi ?
Alors… c’est un terrible aveu ! Mais lequel ?
Plusieurs possibilités :
1) Nous ne savions pas qu’il y avait tant de danger
Variante : nous ne pensions pas qu’une catastrophe naturelle pouvait mettre en panne le système de refroidissement. Dans ce cas, nous avons affaire à des dirigeants inconscients et imprévoyants. Peut-être qu’ils ne se sont jamais vraiment intéressés au fonctionnement et aux dysfonctionnements possibles de la technologie qu’ils nous vendaient.
ou
2) Nous décidons un moratoire, mais dès que les passions seront retombées, on remettra le nucléaire sur le tapis
C’est en définitive ce qui s’est passé après Tchernobyl. Il a fallu attendre que l’ambiance se refroidisse pour proposer à nouveau un développement du parc de centrales. Il en va de même avec les forages pétroliers off shore. De nouveaux projets sont en route, la catastrophe du golfe du Mexique tendant (déjà) à s’estomper. Dans ce cas, nous avons affaire à des dirigeants parfaitement cyniques occupés à poursuivre leurs projets (souvent très lucratifs) en dépit des intérêts légitimes des populations concernées.
ou
3) C’est pas notre faute, nous n’avons fait que suivre les mots d’ordre des lobbys
Cet aveu consisterait à admettre que les pro-nucléaires sont en téléguidés par les lobbys de l’industrie nucléaire qui mettent suffisamment d’argent sous la table. La question du danger devient secondaire, sauf quand on est sous les feux de la rampe… par exemple à l’occasion d’une catastrophe. Dans ce cas, nous avons affaire à des vendus aux intérêts privés.
Quelque soit l’aveu, nos autorités pro-nucléaires sont en cause : soit par inconscience, soit par cynisme, soit par affairisme. Si ce n’était pas le cas, elles continueraient à affirmer que tout va bien pour le mieux dans le meilleur des mondes atomiques et on devrait au moins leur concéder la cohérence et la consistance (certains persistent contre les vents contraires, ils ont au moins ce mérite). Peut-être qu’à ceux-là il faudrait une catastrophe très proche et plus directement menaçante ?
Alors, à l’occasion des élections fédérales d’octobre, est-ce que nous élirons des inconscients, des cyniques, des affairistes… ou est-ce que nous envisagerons de donner plus de poids politique à d’autres ?
Daniel