Piques et répliques – 2

Quelques réflexions critiques sur tout et rien

Archive pour la catégorie 'Des mots !'


Etymologie éthylique ?

27 avril, 2011
Des mots ! | Commentaires fermés

24 heures du 23 avril 2011 : Mystère des lieux-dits : L’Helvétie, soeur d’Athéna à l’éthymologie perdue (orthographe garantie d’origine « 24 heures »)

Etymologie éthylique ? dans Des mots ! helvetia-logo

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Le quotidien 24 heures parsème d’un peu de culture ses éditions, ce qui est ma foi assez sympathique. Régulièrement, un certain François Bergier, enseignant et formateur, partage avec les lecteurs un savoir particulièrement pointu dans le domaine des lettres. Ce jour, il propose un regard sur l’Helvétie et ses origines…

Pauvre homme…. aujourd’hui, je me dois de le prendre en pitié. Déployer tant d’énergie pour nous rappeler la déesse Athéna, le géographe latin Strabon ou l’historien Tacite, partir à la recherche de l’incertaine étymologie du nom de nos ancêtres sur la territoire suisse et se voir infliger un titre qui massacre à coup sûr toute crédibilité, précisément en matière d’étymologie. L’étymologie est effectivement perdue ! D’une certaine manière, la culpabilité de l’auteur se cantonne à l’usage du terme « ethnonyme » dans les deux dernières lignes de son billet : c’était manifestement dangereux… Le « titreur » est tombé dans le panneau !

Et l’auteur de ce blog de s’interroger une fois de plus sur le choix et la rédaction des titres au sein des quotidiens. Et franchement, dans le cas de cette chronique érudite, c’est un peu moche…

Daniel

On écrit « Libye » !

22 février, 2011
Des mots ! | 8 réponses »

Dans nombre de médias écrits et sur Internet : l’orthographe du nom du pays de Kadhafi

 

الجماهيرية العربية الليبية الشعبية الإشتراكية العظمى

 

Deux ans d’affaire des otages et deux mois de révoltes dans les pays arabes n’y font rien : il y a toujours un monde époustouflant qui n’arrive pas à mémoriser l’orthographe un peu surprenante de la Libye. Notamment :
La télévisions suisse romande (TSR)

Le Journal de Morges

La radio suisse romande (RSR)

Sans compter tous ceux qui l’ont écrit faux, puis ont corrigé plus tard… probablement suite à une remarque ou un commentaire de lecteur : Google a gardé la trace de l’erreur

Alors : LIBYE ! S.V.P.

Quelle peut bien être la raison profonde de la persistance de cette erreur ?

Daniel  

Le français malmené

26 avril, 2009
Des mots ! | 5 réponses »

Dans les médias en général… et dans le 20 minutes du 24 avril en particulier

http://www.20min.ch/ro/news/geneve/story/31335805

 

Ce vendredi 24 avril, le quotidien gratuit « 20 minutes » évoque des « papys criminels » qui se sont fait prendre à la douane. Intrigué, je jette un coup d’oeil et je découvre que les personnes en question sont accusées d’escroquerie, de faux dans les titres et de falsification de documents, ce qui n’en fait pas des « criminels« , mais bien des « délinquants« . Voici un bon exemple du laisser-aller croissant des médias en matière de vocabulaire…

Ce n’est peut-être qu’une impression, mais il me semble que les journaux et les médias comme la télévision et la radio donnent aujourd’hui moins d’importance à la maîtrise de la langue. Il est bien possible que d’autres compétences aient pris plus d’importance, notamment celles qui ont trait à l’informatique et que cela se paie sur le plan du français. S’il ne s’agissait que de l’augmentation de la fréquence des fautes d’orthographe, ce serait un peu moins grave, mais c’est bien le vocabulaire qui est touché ici de plein fouet. On rencontre de plus en plus de confusions au sens étymologique du terme : deux mots ou deux concepts se retrouvent fondus ensemble dans un seul ou deux mots différents sont utilisés comme des synonymes qu’ils ne sont pas.

D’ailleurs, la tendance à confondre les notions et les concepts est un des aspects du fameux novlangue de George Orwell et ses effets sont précisément censés handicaper la pensée. Le simplisme de pensée qu’entraîne une forte tendance à jeter trop de mots dans un même grand seau conduit à une pensée en noir et blanc, sans nuances et les mots ont de plus en plus tendance à agir uniquement comme des révélateurs d’émotions positives ou négatives. Ce n’est heureusement pas (encore ?) une tendance hégémonique, mais on peut tout de même remarquer que cette négligence à l’égard de la clarté et de la précision du vocabulaire accompagne de plus en plus souvent la tendance d’une certaine presse à transmettre des informations de plus en plus courtes, de plus en plus émotionnelles et de plus en plus vides de sens. Je me propose donc ici de mettre en évidence certaines de ces confusions.

Ainsi, on titre sur les chiffres de la criminalité (les crimes) indifféremment de ceux de la délinquance (les délits). Cela semble d’ailleurs totalement admis et même des spécialistes utilisent les deux termes. Mais quelle perte de nuance dans l’analyse ! D’ailleurs, il s’agit parfois carrément d’erreurs du point de vue des règles de la langues française : lorsqu’on emploie notoire à la place de notable, plastique (la matière) pour plastic (l’explosif), prolifique (qui se reproduit beaucoup, comme les mouches) pour prolixe, inclinaison (comme l’axe terrestre) pour inclination (mouvement affectif).

Dans la catégorie du français malmené, on va encore trouver le mot « émérite » qui désigne trop souvent quelqu’un de méritant alors qu’il devrait désigner celui est retraité de sa spécialité. De même, « conséquent » va trop souvent désigner quelque chose d’une grande importance, tandis que les coupes sombres vont remplacer les coupes claires dans les budgets (une coupe sombre, c’est quand les forestiers n’abattent que quelques arbres). Et tout cela sans parler des anglicismes inutiles comme « impacter » ou « efficience« , toutes les choses qui « s’avèrent fausse » (!), les journalistes qui « démarrent une émission » (alors que ce verbe est intransitif) et tout ce qui est « au niveau de » alors qu’il n’est nulle part question de niveau… Mais je m’égare !
Les confusions dans les termes vont être particulièrement fréquentes dans un cas particulier : lorsqu’on confond une qualité ou une situation avec une doctrine ou une idéologie. L’exemple le plus classique, c’est l’éternelle confusion entre islam et islamisme. Mais combien de fois a-t-on entendu parler du « parti écologique » (écologiste !) ? Et il en va de même de la différence entre des nouvelles alarmantes et l’alarmisme, entre l’isolement et l’isolationnisme, entre la xénophobie (la peur ou le rejet de l’étranger) et le racisme (une doctrine qui postule l’inégalité des groupes humains). Dans ce domaine en particulier, les dégâts peuvent être grands sur la capacité à penser…

Et on pourrait allonger la liste que j’avais commencée il y a quelques mois : on demande des cours de « civisme« , alors qu’il s’agit d’une vertu et que ce sont des cours d’instruction civique qui sont en fait demandés. Parfois, on a aussi l’impression que le quidam souhaite « péter plus haut que son cul » en utilisant des termes qui font « plus sérieux » : d’aucuns vous diront « sociétal » pour « social » ou « expliciter » pour « expliquer« , parce que des mots comme social et expliquer semblent par trop banals. Et on parle de « concept » (terme qui désigne une représentation abstraite) pour évoquer la « conception » bien concrète d’un projet. Et on en profite au passage pour perdre du sens.

Il ne s’agit donc pas ici de stigmatiser presque rituellement une baisse du niveau de français. Non, le problème, c’est la perte de sens. Lorsqu’on en vient à confondre compromis et consensus, on finit par dire et comprendre tout autre chose que ce dont il était question. Or, on est en droit d’attendre des médias une participation à l’élévation du citoyen. Si on espère que l’école fasse le boulot toute seule, complètement à contre-courant des autres tendances de la société, on pourra continuer à se lamenter sans espoir… A quand le réveil ?

Daniel

Blochérologie…

7 décembre, 2008
Des mots ! | Commentaires fermés

Dans les médias en général… et dans mon imagination

Alors que la presse accumule les articles sur Ueli Maurer et semble (provisoirement) avoir fait son deuil de sa précédente vedette, on peut se pencher sur une facette amusante de son vocabulaire avant de passer à autre chose. Battons le fer tant qu’il est chaud !

Les noms de personnes sont souvent l’occasion d’enrichir le vocabulaire. On connaît notamment l’histoire du préfet Poubelle de Paris, qui imposa les corbeilles dans les rues, ou celles du capitaine Boycott ou de Lord Sandwich. Mais les hommes laissent le plus souvent leur nom dans des dérivés lorsqu’il s’agit de leurs idées ou de leurs pratiques : marxisme, léninisme, maoïsme, kémalisme, chiraquien, péronisme, hitlérien, thatchérisme, reaganomics,… J’aurais même envie de dire que la pratique se développe particulièrement depuis quelques temps.

Certains noms se prêtent plus volontiers, par leurs consonances, aux dérivations. Je pense en particulier à Le Pen, qui a donné lepénisme ou lepénisation (des esprits) ou Staline, avec stalinisme, stalinien ou déstalinisation. Et c’est justement aussi le cas de Christoph Blocher qui porte un nom facile à dériver, au contraire de son lieutenant Ueli Maurer qui s’y prêterait moins bien. On désigne déjà les membres de l’UDC proches du leader de blochériens (ou l’UDC blochérienne) et le mot blochérisme est devenu fréquent. Le terme de blochérisation a aussi été entendu et « blochérite » est apparu tout récemment (notamment comme titre d’une partie de l’émission Médialogues sur RSR 1).

Au fond, je m’étonne presque que la pratique ne se développe pas plus, étant donné la situation politique quelque peu ridicule que nous vivons ces dernières semaines : un ancien ministre est présenté par son parti pour accéder à nouveau au gouvernement, alors que lui, son parti et tous les autres ont très bien compris qu’il n’a aucune chance d’y accéder. Nous serions bien en peine d’expliquer facilement cette incongruité à des étrangers… Alors, qu’attendent les adversaires du chef éponyme pour instrumentaliser encore plus son nom en jouant sur les suffixes péjoratifs. Cela donnerait blochérique (pour parler de sa colère), ou blochéreux (ennuyeux ?), blochéraille (comme pour ferraille…), blochérillon (pour évoquer sa progéniture politique) ou la blochéritude (pour parler de sa relative solitude) de sa candidature blochéresque. Plus sérieusement, on pourrait encore imaginer une « déblochérisation » ou un « post-blochérisme ».

Les suffixes grecs se prêtent aussi admirablement à des composés évocateurs. Ainsi, de la blochérologie, la blochérophilie, la blochérophobie, la blochérophonie, la blochéropathie,… Manifestement, les multiples possibilités (blochérables) qu’offre la langue ne sont pas encore véritablement exploitées.

Mais, qui sait, la presse et les médias vont peut-être réussir à revenir à des informations sur le fond. Alors que notre parlement s’apprête à subir un affront démocratique en ne pouvant pas réellement débattre et décider de la plus grosse dépense de l’histoire de la Confédération, nous pourrions peut-être laisser de côté tous les cultes de la personnalité médiatique et enfin parler sérieusement de politique.

Dani

P.S. : Ce petit jeu avec les mots n’a pas d’autre but que de s’amuser de la blochéromanie de certains médias.

Petit détecteur de langue de bois

3 décembre, 2008
Des mots ! | 3 réponses »

Utilisable face à de nombreux discours, et pas seulement dans le domaine politique

Un éditorial d’Ariane Dayer m’avait déjà fait tiquer : elle insistait pour que l’Assemblée fédérale élise un « vrai UDC » et glissait évidemment le nom d’Ueli Maurer. Je dois avouer que cette expression m’a fait réfléchir. Qu’est-ce que c’est qu’un « vrai » UDC ? Y a-t-il de « faux UDC » ? Y a-t-il aussi de vrais et de faux radicaux, socialistes, PDC, Verts, etc. ? Que voici une nouvelle tâche difficile pour l’électeur : différencier les vrais et les faux membres des partis dans les listes électorales…

Dans le cas d’Ariane Dayer, je dois bien reconnaître que nous avons une chance de comprendre ce qu’elle veut dire. Un « vrai UDC« , c’est un « blochérien », autrement dit celui qui continue fidèlement à obéir à son chef. Un conseiller fédéral fantôme se profile donc en coulisse… On pourrait d’ailleurs épiloguer assez longuement sur les qualités des membres des partis et sur leur proximité avec ce qui fait parfois le coeur de la doctrine de leur parti. Mais cette expression peut aussi nous donner une clé permettant de repérer plus facilement des énoncés qui n’ont pas vraiment de sens ou du moins qui n’apportent aucune information véritable. Une sorte de « détecteur de langue de bois ».

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En effet, il est courant d’entendre un politicien (mais plein d’autres aussi !) dire qu’il est pour ceci ou contre cela. Et bien souvent, c’est du pur bla-bla pour endormir l’attention. Tenez, si un politicien candidat aux élections vous dit qu’il est « pour la démocratie« . Cela a-t-il vraiment un sens, dit-il vraiment quelque chose de ses priorités et de ses convictions ? Il suffit alors de renverser la proposition pour vérifier si elle a vraiment du sens. Aurait-il pu dire qu’il était « contre la démocratie » ? Evidemment non. Donc, son énoncé ne dit rien, c’est de la pure langue de bois. Il en ira de même d’un politicien qui se dira pour le respect des droits de l’homme, contre la torture, pour un Etat plus efficace, contre les abus des lois sociales, etc. Au fond, c’est comme un jeu : tourner ce qui est dit en inversant le propos et faire apparaître la vacuité des propos.

Une application typiquement suisse de cette petite méthode pourrait concerner les titres donnés aux initiatives populaires. Reprenons simplement les dernières en date, qui ont fait l’objet des votations du week-end dernier et essayons :

« Droit de recours de organisations : assez d’obstructionnisme – plus de croissance pour la Suisse ! »

--> Plus d’obstructions et moins de croissance pour la Suisse. Jamais on ne pourrait dire un truc pareil : au fond, personne ne souhaite d’obstructions inutiles et la croissance fait pour l’instant l’objet d’un consensus dans les milieux politiques.

« Pour une politique raisonnable en matière de chanvre protégeant efficacement la jeunesse. « 

--> Pour une politique déraisonnable en matière de chanvre et ne protégeant pas (ou alors inefficacement) la jeunesse. On peut rire ? Evidemment, là aussi tout le monde souhaite des propositions raisonnables et efficaces…

En faisant un petit retour en arrière, on repère en tout cas encore l’initiative « Pour des naturalisations démocratiques« . Imagine-t-on des initiants proposer des mesures dictatoriales ou non-démocratiques ?

La plupart du temps, surtout lorsqu’il s’agit d’écrits, ces expressions sont assez anodines et suivies des précisions qui permettent tout de même au citoyen d’y voir plus clair. Mais il faut écouter attentivement certains débats politiques à la télévision ou à la radio, et on remarque à quel point ce genre d’interventions « tellement évidentes » sont fréquentes ! Et elles interviennent souvent en réponse à des propositions qui étaient elles plus concrètes…

Dans la semaine qui vient, nous allons probablement assister à un festival de déclarations en faveur de la « concordance ». En vue de l’élection complémentaire au conseil fédéral, tous les candidats vont expliquer qu’ils sont « pour la concordance » et que leurs adversaires « mettent en danger la concordance« . Ce mot est un magnifique exemple d’ambiguïté dans l’usage qui en est fait en Suisse, parce qu’il comprend deux notions bien distinctes : le fait de faire participer au pouvoir les forces politiques les plus importantes ET le fait pour ces forces politiques de « concorder« , donc de s’efforcer de prendre en compte leurs adversaires pour prendre des décisions et de tisser des compromis. Et ceux qui ont une conception uniquement arithmétique et participative de la concordance répéteront à satiété qu’ils sont bien « pour la concordance » sans qu’on sache s’ils souhaitent réellement « concorder ».

Bref, moi je suis surtout pour qu’on utilise correctement les mots ! ;-)

Dani

Faux synonymes envahissants…

15 novembre, 2008
Des mots ! | 1 réponse »

Dans les médias, mais aussi dans les conversations…

Le vocabulaire recèle souvent des difficultés particulières : en effet, nombreux sont les mots dont nous ne connaissons le sens que de façon approximative, mais que nous utilisons pourtant dans nos conversations et qui font les titres de nos journaux. Certains d’entre eux sont pourtant chargés d’enjeux et les confusions éventuelles peuvent avoir de l’importance dans la compréhension de certains débats publics.

Cas particulier de ce problème : des « synonymes apparents », des mots qui parsèment les discours et qui sont (trop) souvent utilisés comme s’ils étaient porteurs d’un même sens. Du coup, des malentendus surgissent très rapidement. Quelques exemples :

Compromis – consensus – concordance

Trois mots fréquemment utilisés pour décrire la pratique du système politique suisse. Parfois, on parle de démocratie de consensus, mais pour peu après préciser qu’on y fait des compromis. Or, ces deux notions sont presque antinomiques : entre un consensus qui forme une solution satisfaisant tout le monde et un compromis qui offre une voie médiane qui ne satisfait en réalité pleinement personne, il ne devrait pas y avoir de confusion possible. Et la notion de « concordance « vient achever de troubler les esprits. L’UDC estime que la concordance a été atteinte par la non-réélection de son conseiller fédéral en 2007 alors que ses adversaires ne l’ont pas réélu justement parce qu’ils le considéraient comme inapte à la concordance. Cet art du compromis est manifestement suffisamment complexe pour permettre plusieurs acceptions du mot chez nos politiciens.

Economie de marché – capitalisme – libéralisme

Là aussi, tout dans un grand seau. Ces notions ne sont pas sans rapport, loin s’en faut, mais il conviendrait d’opérer tout de même des distinctions au moins conceptuelles. Les utiliser comme simples synonymes est une preuve admirable de simplisme. Je ne vais pas développer ici, car ce serait trop long, mais de nombreux ouvrages d’historiens, de sociologues ou d’économistes proposent d’intéressantes réflexions à ce sujet.

Dépénalisation – libéralisation – légalisation

Ces trois-là sortent tour à tour, dans le plus grand désordre, lors des débats sur la politique de la drogue. J’ai déjà tenté d’expliciter quelque peu les différences dans un billet précédent. A l’heure où nous nous apprêtons à nous prononcer dans les urnes sur cette thématique, des clarifications « plus claires » de nos autorités seraient les bienvenues. Et comme souvent, il faudrait encore bien préciser de la dépénalisation ou de la légalisation de quels actes exactement on parle !

Croissance – développement – progrès

Le débat sur les méfaits des retombées de la croissance économique provoque généralement des réflexes automatiques associant celle-ci au développement ou même au progrès. Les discussions gagneraient en clarté si on se donnait la peine de distinguer les concepts, quitte ensuite à expliciter les relations nécessaires ou possibles entre eux. Envisager un progrès humain durable sur le long terme nécessitera très certainement à terme de détacher celui-ci de l’impératif de « croissance ». Distinguer ce qui est quantitatif de ce qui est qualitatif serait à cet égard un minimum. Quant à la notion de développement, elle mériterait justement d’être plus clairement développée et moins souvent simplement utilisée comme cache-sexe dans l’expression « développement durable »…

Racisme – xénophobie

Voici encore un magnifique exemple de faux synonymes. Un bon dictionnaire va permettre de séparer « l’hostilité à ce qui est étranger » (xénophobie) de la « théorie professant l’inégalité des races » (racisme). En effet, même s’il a fini par signifier aussi une forme de systématique dans la haine raciale, le « racisme » est d’abord, comme de nombreux mots en -isme, une doctrine. Adorer son cuisinier noir reste possible à un raciste, qui considérera pourtant que les noirs lui sont inférieurs par nature. La distinction claire entre ces deux mots est réellement porteuse de sens et de réflexion.

Crise – récession

On est en crise… on est en récession. Encore une joyeuse paire de mots trop souvent interchangés pour éviter les répétitions. Or, si la récession désigne une période plus ou moins longue de recul du PIB (produit intérieur brut) accompagnée d’augmentation du chômage, la crise désigne plus précisément le moment nettement plus court auquel tout va se décider, lorsque l’apogée d’une période d’expansion économique cède aux mécanismes entraînant la récession.

Employés d’Etat – fonctionnaires

Tentant d’en faire des synonymes absolus… Et pourtant, le terme de « fonctionnaire » a très longtemps désigné un statut juridique particulier qui a été supprimé à peu près partout en Suisse. Etant donné la fin de la « nomination », il conviendrait de parler aujourd’hui d’employés de l’Etat. Ici, il faut pourtant bien admettre que le risque de confusion a disparu avec le statut…

Ecologie – protection de l’environnement

Qui confond encore ces deux notions ? Plus personne ? Permettez-moi donc d’en douter… J’entends encore assez souvent parler de l »écologie comme d’une simple protection de l’environnement. Et pourtant, c’est une notion tellement plus vaste qu’ils me faudrait de longues lignes pour en parler…

Et les exemples du même tonneau sont plus nombreux. Certains répondront peut-être que cela n’a pas d’importance et que c’est du « pinaillage d’intellectuel ». Le simplisme contemporain fait parfois des ravages dans ce domaine ! Or, le débat gagne en richesse, en finesse et en clarté à chaque fois que l’on se donne la peine de définir un peu précisément de quoi on parle.

Dani

Etymologies journalistiques

24 juillet, 2008
Des mots ! | Commentaires fermés

En rapport avec la presse écrite…

C’est l’été, la presse remplit partiellement ses pages avec des banalités… et moi aussi ! Ci-dessous, je vous propose une petite friandise, un petit retour sur l’origine de quelques mots utilisés quotidiennement ou presque lorsqu’on évoque l’information.

Journal :

Assez naturellement, je commence avec ce mot qui était d’abord un adjectif, venu à travers le moyen-âge de « diurnalis » (ayant glissée en jornalis ou jurnalis) et dérivant du latin « diurnum » (de jour). On reconnaît nos mots actuels « diurne » et « jour » sans difficulté. A l’origine, « diurnalis » ou « jornalis » désignait la surface labourable en une journée de travail et ce n’est que plus tard qu’il est devenu substantif et qu’il a permis de désigner le fait de relater les actes d’un jour. Dès le XVIIe siècle, il va désigner une publication périodique, d’abord savante (ce qu’on appelle aujourd’hui généralement une revue), puis va rivaliser quelques temps avec l’italianisme « gazette » avant de s’imposer. Il deviendra également « journal parlé » au XIXe et « journal télévisé » au XXe siècle… Et au XXIe ?

Il donnera aussi « journaliste » qui va remplacer au XVIIIe siècle « nouvelliste » qui désignait celui qui faisait le journal. On dérive également de manière péjorative en « journaleux ».

Presse :

C’est le supin « pressum » du verbe latin « premere » qui va donner « pressare » pour signifier « exercer une pression » ou « serrer pour obtenir un liquide » (du vin ou de l’huile…). A partir du XIIIe siècle, le mot presser s’utilisera pour marquer une empreinte ou imprimer. La « presse » va tout naturellement devenir le mécanisme capable d’exercer cette pression, puis avec l’apparition de l’imprimerie au XVe siècle la machine à imprimer elle-même : c’est l’origine de la locution « mettre sous presse ». Par métonymie, le terme va désigner ensuite le nombre de feuilles que les imprimeurs auront tiré en un jour (tiens, on retrouve la même logique qu’avec le mot journal). Enfin, par extension, cela devient l’ensemble des journaux et périodiques puis l’ensemble des journalistes. On pourra ainsi « avoir bonne ou mauvaise presse ».

Etymologies journalistiques dans Des mots ! pressoir

Magazine :

Parfois, les mots circulent d’une langue à l’autre. Ainsi, le mot « magazine » est emprunté à l’anglais à la fin du XVIIIe siècle, alors qu’il avait été emprunté par les anglais au français deux siècles auparavant sous la forme de « magasin ». Les français eux-mêmes, par l’intermédiaire des italiens, l’avaient repris des arabes chez qui il signifiait « entrepôt », au pluriel. Les anglais, au sens figuré, en ont fait un « ensemble ou arsenal d’informations » et c’est sous cette forme qu’il nous est revenu.

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Rédaction :

C’est un emprunt au bas latin « redactio » au XVIe siècle qui signifiait alors « réduction » en mathématiques (du supin « redactum » du verbe ridigere – rédiger). Après séparation entre rédaction et réduction (avec les journaux gratuits, on en reviendrait presque aux origines !), il se fixe au XVIIIe siècle comme l’activité de celui qui rédige, puis comme l’équipe de rédacteurs.

Abonnement :

Celui-ci ressort du latin médiéval « abonnare » qui a hésité entre aborner, abourner, abonner et d’autres formes encore. Issu de « borne », il signifiait donc « fixer une limite », mais son sens a par la suite glissé vers « être mis en possession de » et prendra donc le sens d’ « avoir une convention moyennant un paiement déterminé à échéances fixes ». Abonner et abonnement se suivent tout au long de cette évolution qui conduit à l’abonnement de journal sous la révolution, dès 1798.

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Editorial :

Encore un emprunt à l’anglais, dérivé de « editor » pour le directeur ou le rédacteur en chef d’un journal. L’origine du terme est le latin impérial « editor ».

Canard :

S’il désigne aujourd’hui péjorativement un journal de peu de valeur, il est issu à la base d’une « fausse nouvelle lancée dans la presse », qu’on nommait justement « canard ». Repris ironiquement par le « Canard enchaîné », lecture pourtant hautement recommandable…

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Quotidien :

On peut facilement reconnaître son origine latine en deux parties, « quot » (pour combien) et « dies » (pour jour, qu’on retrouve encore et « toujours »). Il désigne donc ce qui revient chaque jour. Le mot avait évolué en cotidien ou cotidian, mais une réfection orthographique l’a ramené à ses origines étymologiques au XVe siècle. D’abord adjectif, il a été substantivé dès le XIXe siècle.
Et voilà… Je me suis bien aidé du « Dictionnaire historique de la langue française » des éditions Robert. Une merveille !
Dani

 

… et vive les vacances !!! 

Manipulés par les oxymores

9 juillet, 2008
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Dans les médias en général

L’usage des mots révèle souvent beaucoup sur les messages que l’émetteur souhaite faire passer. Ils sont rarement complètement innocents, même si leur utilisation est parfois inconsciente. Il vaut donc la peine de s’attarder sur certaines modes actuelles et de s’interroger. J’avais déjà il y a quelques temps soulevé le cas des euphémismes ( http://pikereplik.unblog.fr/2008/05/18/les-euphemismes-du-politiquement-correct/ ) et je me propose aujourd’hui de jeter un coup d’oeil sur une autre figure de style : l’oxymore.

L’oxymore (ou oxymoron) est une figure de style consistant à associer deux mots ou locutions qui possèdent des sens contradictoires. Cela permet de jouer sur les finesses et les nuances et convient particulièrement bien à la poésie. D’ailleurs, certains exemples littéraires sont souvent cités : une obscure clarté (Corneille) , se hâter avec lenteur (La Fontaine), un jeune vieillard (Molière), un silence assourdissant (Camus), une sublime horreur (Balzac), et bien d’autres… Or, si l’usage fait par la littérature de cette figure de style a pour but d’exprimer l’inexprimable, d’apporter un surplus de subtilité à l’expression, d’autres font un emploi très différent de cet outil linguistique.

En effet, les politiques, les publicitaires et les médias se sont emparés de cette merveille de subtilité pour en faire un usage beaucoup plus dirigé : faire prendre des vessies pour des lanternes. Nommer les choses peut parfois contribuer à induire en erreur le destinataire d’un message. Bien sûr, il serait difficile de manipuler quelqu’un uniquement à coup de figures littéraires, mais un certain usage des mots permettra par contre de conforter une vision des choses également véhiculée par une sélection de l’information à transmettre, un choix ciblé d’images et une présentation adéquate. L’exemple le plus frappant à mon avis est la fameuse « guerre propre » à coups de « frappe chirurgicales » (deux oxymores) contre l’Irak en 1991. Les médias nous avaient alors présenté un ensemble bien ficelé d’images dûment sélectionnées, d’explications par des spécialistes sur les techniques ultra-modernes permettant d’atteindre un objectif précis sans bavures, le tout enrobé dans des formules (oxymores) qui faisaient mouche.

L’oxymore n’est donc pas en soi manipulateur, mais il peut assez facilement être mis à contribution pour venir soutenir un discours manipulateur. Il agit alors comme un soutien à une idée matraquée sans contestation possible. Allez donc contester des figures de style ! Et pourtant, si le public se rend compte de l’incohérence de la formule, celle-ci perd une bonne part de son pouvoir. Une fois le « truc » éventé, on ne peut plus, comme disent les américains, « remettre le dentifrice dans le tube »… Une manipulation repérée n’en est plus une. Il nous faut donc multiplier les occasions de décoder le langage des médias… au moins, cela les obligera à se renouveler !

Quelques oxymores manipulateurs :

« Le capitalisme à visage humain » pour croire qu’on peut s’enrichir et accumuler des profits en respectant les autres.

« La rupture tranquille » pour permettre à un politicien bien coulé dans le moule de la rupture de rassurer tout de même son futur électorat : il est capable, parfois, de se tenir tranquille.

« Le changement dans la continuité » afin de rassembler les voix à la fois des conservateurs et des réformistes, une manière de rester absolument dans le flou.

« Le développement durable » afin de se persuader qu’un développement infini dans un monde fini est possible dans la durée.

« Une voiture écologique » qui consomme moins, mais dont les pièces ont été rapportées de nombreux pays (avec quel moyen de transport ?) et dont la fabrication a nécessité énormément d’énergie…

Il y en aurait encore beaucoup d’autres : la culture d’entreprise, l’investissement éthique, la discrimination positive, la croissance zéro, la TVA sociale, une révolution douce, la consommation citoyenne … Les domaines de la guerre, de l’économie et de l’écologie sont particulièrement propices à ce langage.

Au fond, il est encore important de préciser que les deux termes de l’oxymore ne sont pas tout à fait à égalité. L’un des deux mots est plus fort que l’autre, dans le sens où il le modifie en lui apportant « un supplément d’âme ». Ainsi, c’est l’écologie qui tente de revaloriser la voiture et c’est la propreté qui vient rendre acceptable la guerre et pas le contraire. C’est ainsi que cette figure de style peut contribuer à rendre admissible ce qui est inadmissible.

Mais rien ne sert de commencer aujourd’hui une guerre contre les oxymores : il faut juste les repérer et ne plus être dupe.

Dani

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Dépénalisation, légalisation, libéralisation, confusion…

4 juillet, 2008
Des mots ! | Commentaires fermés

Site de la Télévision suisse romande, 4 juillet 2008 – Chanvre: de la prohibition à la régulation

http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=9297513

(Texte de l’initiative populaire : http://www.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis325t.html )

L’onglet de la page principale du site de la TSR indique : « Chanvre, un comité interpartis s’engage pour la dépénalisation« . Un clic permet d’accéder à la page consacrée à cette information sur laquelle on trouve un nouveau titre : « Chanvre : de la prohibition à la régulation ». Les mots en « tion » s’accumulent, mais pas forcément dans la plus grande des clartés. Un petit tour sur le site de la Confédération permet d’y voir un peu plus clair, du moins pour le citoyen qui n’avait pas suivi avec attention le dépôt et la récolte de signatures en faveur de cette initiative (c’est mon cas).

Les débats autour de la question du cannabis sont généralement d’une grande confusion. Les mots dépénalisation, légalisation et libéralisation sont utilisés tour à tour comme s’ils étaient des sortes de synonymes. Or, ce n’est de loin pas le cas. De plus, il conviendrait à chaque fois de préciser de la dépénalisation ou de la légalisation de quoi on parle. Sans cela, on se retrouve dans un discussion de bistrot imprécise qui n’aura aucune chance d’aboutir à plus de clarté pour le lecteur-citoyen.

Dépénalisation (de la consommation surtout) : Cela signifie qu’on renonce à punir pénalement (en lui infligeant une contravention ou par une peine de prison) le consommateur de drogues. Cela n’implique en rien une légalisation ou une libéralisation des produits en question. On arrête juste de punir les « victimes » que sont les consommateurs. Cela n’implique pas forcément d’ailleurs une levée de l’interdiction, car une confiscation ou des amendes administratives (donc non-pénales) resteraient possibles. Par contre, une dépénalisation de la production et de la vente équivaudraient quasiment à une légalisation ou à une libéralisation de fait. On peut aussi imaginer d’autres variantes de dépénalisation qui engloberaient par exemple également l’auto-production.

Légalisation : Ici, il s’agit d’inscrire dans la loi que des produits considérés comme des drogues sont autorisés, du moins en respectant certaines conditions prévues par la loi. Dans les faits, la légalisation pourrait signifier que l’Etat prenne en charge la question à la place de la laisser au marché (aujourd’hui illégal). Une légalisation peut prendre toutes sortes de formes, de très ouvertes à très strictes et limitées (comme en Suisse dans le cas de la prescription médicalement assistée de l’héroïne, par exemple). La légalisation n’implique pas forcément une libéralisation. En effet, la chose n’est pas libre si l’Etat décide de tout contrôler, soit par le biais d’un monopole public, soit par l’octroi de concession ou une autre forme de contrôle direct.

Libéralisation : Cette option consisterait à décider de considérer les drogues comme des produits ordinaires et à en permettre le commerce. Dans cette solution, l’Etat se contenterait d’un contrôle indirect (par exemple les règles d’hygiène) comme il le fait pour les yogourts ou pour la viande.

Dépénalisation, légalisation, libéralisation, confusion... dans Des mots ! 8474

Comme on peut le constater, il y a plus que des nuances entre les trois concepts. Ces différences sont souvent ignorées dans de nombreuses conversations et on pourrait attendre des médias qu’ils contribuent à une certaine clarification. Ce n’est pas très souvent le cas malheureusement et l’article cité en préambule n’échappe pas à ce piège. Il évoque en titre une dépénalisation, mais glisse ensuite très vite sur une régulation (des règles, donc une légalisation) pour décrire une initiative qui comporte plusieurs volets différents. Pas suffisamment clair : franchement, à la lecture de l’article, on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit.
Qu’en est-il en définitive de cette initiative évoquée sur la page de la TSR ? L’alinéa de l’article 105a proposé comme amendement à la Constitution fédérale énonce clairement une dépénalisation de la consommation, de la possession et de l’achat pour son propre usage du chanvre. L’alinéa 2 propose la même chose pour la culture personnelle. Par contre, l’alinéa 3 est assez différent : « La Confédération édicte des prescriptions concernant la culture, la production, l’importation, l’exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre ». Et c’est certainement sur ce troisième alinéa que vont se focaliser bien des débats, car il ouvre une perspective de légalisation en prévoyant l’importation et l’exportation.

Seule des distinctions rigoureuses dans les termes peuvent autoriser une réflexion saine et sérieuse sur la question. Si on pouvait éviter une énième guerre de religion sur cette question, ce serait pas mal et les mots joueront un rôle là-dedans… Merci d’avance aux médias de contribuer à la qualité du débat !

Dani

P.S. : On retrouve les mêmes ambiguïtés sur le site de Swissinfo :  http://www.swissinfo.ch/fre/24_heures_en_suisse/Cannabis_depenaliser_serait_raisonnable.html?siteSect=104&sid=9298283&cKey=1215188243000&ty=nd

 

Les euphémismes du politiquement correct

18 mai, 2008
Des mots ! | 1 réponse »

Dans les médias en général…

Aujourd’hui, je n’ai pas d’article à brocarder particulièrement et je vais donc proposer quelques lignes sur un phénomène plus général : l’utilisation croissante d’euphémismes pour désigner toute une série de choses dans les médias.
L’euphémisme est une façon de parler ou d’écrire (une figure de style) qui permet d’atténuer ou d’adoucir la réalité lorsqu’elle apparaît déplaisante ou effrayante. En somme, c’est tout le contraire d’une exagération. Lorsqu’on y prête attention au quotidien, cela devient vite très amusant !

Dans la vie courante, il arrive souvent qu’on utilise ce procédé de langage par pudeur ou par prudence. Cela fait partie des codes habituels des relations humaines : imaginez simplement passer une journée à parler franchement à chacun et à dire leurs quatre vérités à toutes les personnes que vous rencontrerez. C’est un truc à ne pas finir la journée ! Il est donc normal que les humains en viennent à adoucir leur propos pour mettre de l’huile dans les rouages de leurs relations.

Les exemples issus de la vie quotidienne sont ainsi nombreux : on dira « relations intimes » pour les relations sexuelles, « sortir avec » pour « coucher avec », « avoir des problèmes avec l’alcool » pour « être alcoolique ». On dira aussi de quelqu’un qu’il est « un peu fort » pour ne pas dire qu’il est gros ! La bonne a été remplacée par la femme de ménage, puis par l’employée de maison. Celui qui est un peu bête se verra qualifié de « gentil »… De même, on a peu à peu remplacé « nègre » par « noir » pour en arriver aujourd’hui à dire « black » sans réaliser que cela veut toujours dire la même chose. Il existe d’ailleurs plusieurs autres possibilités de jouer à cache-cache avec la couleur de la peau : « homme de couleur », « africain »…

Les euphémismes du politiquement correct dans Des mots ! obelix

Tout cela est sans enjeu particulier tant qu’il s’agit d’une forme de politesse ou de pudeur entre les individus : cela a naturellement toujours existé. Au fond, Obélix rappelle avec justesse en exigeant d’être « un peu enveloppé » qu’il s’agit parfois de simple respect bienveillant. Mais aujourd’hui, le procédé est largement systématisé par les élites et tout particulièrement dans les médias. Ce n’est manifestement plus seulement une mode, mais un code de communication, voire de manipulation, une forme de « novlangue » à la George Orwell. Il a pris, sous l’influence des Etats-unis, le nom de « politiquement correct » (politically correct). Le procédé a ses thèmes de prédilection :

- Voiler la stigmatisation des gens différents : handicapés, étrangers

- Atténuer les choses terribles, comme les horreurs de la guerre

- Cacher les injustices, notamment les inégalités sociales ou les décisions économiques difficiles

– Parler avec une pudeur excessive des sujets jugés difficiles à aborder

Naturellement, il ne faudrait en aucune manière croire que ce sont des mots tout à fait naturels et crus qui se sont tout à coup changés en mots « acceptables socialement ». Au fond, la langue évolue, le sens des mots évolue aussi sans cesse. Il y a juste qu’on donne aujourd’hui un grand coup de pouce à cette évolution.

Plus qu’une longue démonstration, le mieux est finalement de regarder concrètement ce qu’il en est, et je vous propose donc mon petit lexique (classé par techniques d’atténuation) :

On peut tout simplement supprimer le mot gênant (en faisant parfois un détour) :

Vieux = Personne du troisième âge (après être passées par « personnes âgées »)

Prostituée = Travailleuse du sexe Invalide ou impotent = Handicapé, mais plus récemment aussi « Personne à mobilité réduite »

Bombardement = Frappe aérienne (et frappe chirurgicale quand on veut vraiment rassurer)

Licenciements = Plan social ou restructuration

Privatisation (partielle ) = Ouverture du capital

Chômeurs = Demandeurs d’emploi

Pauvres = Défavorisés

Arts primitifs = Arts premiers

Gitans = Gens du voyage

Banlieues = Quartiers sensibles ou même tout simplement « quartiers »

Massacres = Nettoyage ethnique

Grève = Mouvement social Misère = Exclusion

Noir (ou nègre) = Personne de couleur

Viol collectif = Tournante

On peut aussi reformulation par la voie négative :

Aveugle = Non-voyant

Echecs = Insuccès ou contre-performances

Clochards = Sans-abri (ou sans domicile fixe, bien sûr)

Clandestin = Sans-papiers

Vandalisme ou agressions (selon les cas) = Incivilités

On peut encore utiliser une autre langue (surtout l’anglais) :

Vieux = senior

Noir = black

Et remplacer le mot dérangeant par l’utilisation d’abréviations :

Vagabonds = S.D.F. (Sans domicile fixe)

Avortement = I.V.G. (Interruption volontaire de grossesse)

Maladie vénérienne = M.S.T. (Maladie sexuellement transmissible)

Et il existe bien sûr encore d’autres manières de reformuler avantageusement :

Extrême-droite = Droite dure

Extrême-gauche = Gauche de la gauche

Victimes civiles = Victime collatérales (ou même dommages collatéraux)

Travail à la chaîne = Organisation en lignes de production

Revues pornographiques (dans les kiosques)= Presse de charme ou presse masculine !

Surveillants, gardiens = Agents de sécurité

Caissière = Hôtesse de caisse

Nettoyeurs = Agents d’entretien

On remarque avec les derniers exemples les tentatives de revalorisation des professions par les mots, à défaut de revaloriser par le salaire. Je ne résiste donc pas à vous proposer ci-dessous des noms de métiers retenus par l’OFFT (Office fédéral de la formation professionnelle et de la technologie : liste complète ici) pour déterminer les qualifications des apprentis (et je vous laisse deviner le nom d’origine) :

Agent du mouvement ferroviaire,Assistant de l’industrie textile, Assistant du commerce de détail, Assistant en information documentaire, Assistante socio-éducative accompagnement des enfants, Gestionnaire du commerce de détail, Gestionnaire en logistique, Opérateur de médias imprimés, Projeteur en technique du bâtiment, Spécialiste en hôtellerie, Technologue en denrées alimentaires,…

 

Que faire ? Est-il possible de contrer la désinformation qu’apporte parfois l’usage des termes….. ou vaut-il mieux en rire ?

Dani

 

 » Le but du novlangue était non seulement de fournir un mode d’expression aux idées générales et aux habitudes mentales des dévots de l’angsoc, mais de rendre impossible tout autre mode de pensée. Il était entendu que lorsque le novlangue serait une fois pour toute adopté, et que l’ancilangue serait oubliée, une idée hérétique –c’est à dire une idée s’écartant des principes de l’angsoc- serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots.  » George ORWELL – 1984


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