Le Matin du 28 août 2011 : »Les instituteurs sont nuls en orthographe »
http://www.lematin.ch/actu/suisse/les-profs-font-des-fautes
On me dit souvent que « le Matin-Dimanche, c’est quand même moins mauvais que le Matin tout court« , celui qui sort en format réduit pendant la semaine. C’est généralement assez vrai et les articles sont plus longs et mieux écrits… plus intéressants aussi. Et voilà que je tombe une semaine après la rentrée sur un titre complètement idiot. Un de plus me direz-vous… En effet !
« LES instituteurs SONT NULS en orthographe« . Puisqu’il s’agit de la langue française, analysons un peu les termes. « Les« , article défini, indique que les instituteurs sont nuls dans leur ensemble. Tous les instituteurs, sauf exceptions, sont nuls. « Sont nuls » indique qu’ils sont vraiment très mauvais. Ils obtiendraient la note zéro, si elle existait encore, à une dictée. Etre nul, cela ne signifie pas rencontrer des difficultés ou avoir des lacunes qu’on pourrait corriger, cela signifie être le dernier des derniers. Le titre du Matin dimanche nous dit donc que tous les instituteurs sont tellement mauvais en orthographe qu’ils sont définitivement incapables d’enseigner le français aux enfants. Je vais donc avancer un peu dans cet article pour voir ce qu’il en est.
« C’est un comble : les instituteurs romands ne maîtrisent pas toujours la grammaire française« . Tiens « pas toujours » ? Ils ne seraient donc pas si nuls ? Et tout à coup, il ne s’agit plus d’orthographe, mais de grammaire… Les rédacteurs du Matin connaissent-ils la différence entre ces deux choses ? Bonne question… L’article évoque aussi des directeurs d’écoles « embarrassés par les coquilles » (parle-t-on encore de coquilles quand il y a cinq fautes par ligne ?) et de « jeunes enseignants (qui) n’ont pas une maîtrise parfaite de l’orthographe« . Résumons : si l’instituteur n’a pas une « maîtrise parfaite« , c’est qu’il est nul !
Comme parent d’élève et comme enseignant, je fais parfois aussi l’expérience des limites de certains en orthographe. Il m’est arrivé de corriger discrètement un tableau noir et de signaler une erreur çà ou là… Loin de moi l’idée de nier le problème mis en évidence dans le Matin, mais je me dois de faire remarquer ici que je trouve beaucoup plus de fautes d’orthographe dans les journaux que dans les écrits des enseignants de mes deux enfants. Conclusion : si les instituteurs sont des nuls, les journalistes sont des sous-nuls.
Au fond, c’est encore la légende de la photo qui est la plus sage : « Les jeunes enseignants ont plus de lacunes en orthographe« . Il est là, le véritable constat. Ce ne sont pas tous les enseignants qui ont des faiblesses en orthographe, mais seulement les plus jeunes (ouf… ils ne sont pas complètement perdus : l’orthographe est une chose qui peut s’améliorer pendant toute une vie). Et comme le souligne Marinette Matthey, sociolinguiste citée plus loin dans l’article, c’est toute la population qui est concernée par une baisse de niveau en orthographe, mais peut-être plus encore par un manque d’intérêt pour la langue française (et les enseignants font aussi partie de la population). Je remarque quotidiennement avec mes élèves qu’ils écrivent mieux si je suis inflexible que si je laisse passer les fautes. Ils savent donc souvent mieux écrire qu’ils ne le laissent croire…
Que faire face à ce constat de « faiblesse orthographique« . Deux solutions possibles : simplifier l’orthographe française (qui est terrible !) ou intensifier les efforts. Un tiers des heures d’enseignement du français ont disparu durant les dernières décennies à l’école obligatoire, au profit de beaucoup d’autres choses. Il serait étonnant que cela se soit fait sans conséquences. L’école doit donc trouver des solutions, c’est assez évident. Mais l’école n’est pas la seule concernée. Il serait appréciable que les journaux fassent aussi leur part du travail, en faisant corriger les trop nombreuses bourdes qu’ils impriment aujourd’hui. Un retour des correcteurs, par exemple ?
La maîtrise du français devrait devenir une cause officielle. Il faut débloquer des moyens, quitte à subventionner les journaux en payant les salaires des correcteurs. Pareil pour l’école : il faut accepter d’y mettre des moyens. Faire qu’une population soit capable de s’exprimer est une cause plus importante que favoriser la consommation de gadgets électroniques.
Daniel
P.S. : Au Matin, on n’aime pas beaucoup la critique. J’ai mis une remarque et un lien vers ce billet en dessous de l’article en question, il a été censuré après moins de 10 minutes !
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