Dans la presse et les médias, du 31 janvier au 6 février 2011
Quelques lectures :
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Dans « le Temps » du 1er février 2011 . Le PS en mal de thèmes mobilisateurs
Intéressant réflexion autour des difficultés à faire campagne du parti socialiste.
Dans « le Monde » du 5 février 2011 : Les défis de la révolution
Où vont les révoltes dans le monde arabe : analyse des situations tunisienne et égyptienne.
Sur le blog de Paul Jorion, le 5 février 2011 : Faudra-t-il encore sauver les banques ?
La crise financière est finie et tout est rentré dans l’ordre… détrompez-vous !
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Sur le site « Mémoires de luttes », le 1er février 2010 : Ces « dictatures amies »
Longtemps « régimes modérés », voici plusieurs pays arabes devenus « dictatures ». Au moins, les masques tombent.
Dans « le Temps » du 5 février 2011 : L’épouvantail communiste
Face aux révoltes dans le monde arabe, un retour bienvenu sur l’attitude des démocraties face aux changements historiques dans d’autres régions du monde.
Le Temps du 4 février 2011 : La jolie révolution
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Encore une fois, « Le Temps », journal pourtant généralement de bonne qualité, accueille une chronique lamentable de Madame Marie-Hélène Miauton, plus spécialisée dans le sondage téléphonique que dans la réflexion sur des matières complexes. Nous avions déjà vu que son monde était fort simple et nous avions été sidérés par une théorie pour le moins surprenante : les noirs américains sont responsables du racisme envers eux. Aujourd’hui, ce qui me laisse pantois, c’est que la rédaction du Temps continue à autoriser cette dame à occuper une partie de sa page « débats » chaque semaine.
Cette fois, c’est la « jolie révolution » égyptienne qui anime Madame-la-sondeuse. A juste titre, elle relève une forme de « romantisme » qui affecte les commentateurs occidentaux face à une révolte populaire dont on ne sait pas vraiment à quoi elle aboutira. Il est en effet bon de rester éveillé et de se poser des questions avant de s’enflammer. Mais Mme Miauton ne se pose pas de questions, elle connaît les réponses !
Et, dès le romantisme dénoncé, elle fonce vers le diable : la « récupération islamiste » des révoltes populaires en Tunisie et en Egypte. Il suffit que « les partisans en nombre de Rached Ghannouchi » aient accueilli celui-ci à Tunis en criant « Allah Akbar » pour que la Tunisie soit mûre pour devenir une république islamiste à l’iranienne. Quant à l’Egypte, les « frères musulmans » incitent la foule à repousser « les propositions somme toute acceptables de Moubarak« . On pourrait discuter ce dernier point, mais on peut tout de même comprendre que les manifestants égyptiens, et pas seulement les frères musulmans, ne soient pas forcément prêts à tout poser pour laisser Moubarak reprendre la main. Les propositions pourraient être des leurres… et celle qui passe son temps à dénoncer la naïveté des autres affiche la sienne en gros plan.
Mais le pire est à venir. « Nous les occidentaux sommes sans doute masochistes« . Pourquoi ? Parce que « nous nous ingénions à porter atteinte directement ou indirectement aux pays arabes qui font rempart à l’extrémisme« . Oui, vous avez bien lu : le sondeuse-chroniqueuse estime qu’il faut soutenir, ou du moins ne pas déranger, les dictatures qui ont le bon goût de faire barrage à l’extrémisme (le musulman, donc… pas celui des tortionnaires de Moubarak ou de Ben Ali). Déplacé dans le temps, cela consisterait à dire qu’il faut soutenir les régimes d’Hitler et de Mussolini – au début des années 30 – parce qu’ils font barrage au communisme. Et elle enchaîne en affirmant que c’est à cause des occidentaux que le Shah d’Iran (ce démocrate merveilleux…) a dû laisser la place à Khomeiny. Or, un régime plus respectable en Iran n’aurait peut-être pas conduit à la révolution iranienne… Et pour être sûr que chacun comprenne bien où elle veut en venir, elle évoque encore « notre aveuglement démocratique« … vous savez, cette tendance à préférer la démocratie aux dictatures chez les autres. Car pour Mme Miauton, les arabes ne sont pas dignes et mûrs pour la démocratie : si les dictateurs flanchent, ce sera forcément pour laisser la place à des gens bien pires : des despotes islamistes. Aucune autre issue n’est possible. Alors, mieux vaut nos copains les dictateurs…
Je ne lui trouve qu’une excuse possible pour écrire des choses pareilles : la peur que lui inspire ce qu’elle considère probablement comme un gigantesque Bougnoulistan au sein duquel elle n’arrive pas à faire de différence entre la situation de la Tunisie de 2011 et celle de l’Iran de 1979. Partout, elle préférerait continuer à voir régner les dictateurs, quitte à les adoucir un chouïa en leur proposant des échanges économiques (avec combien de pots-de-vin… ?). Tian’anmen 1989, voilà le modèle ! Pour conclure sa chronique, et parce que cela fait partie de son cahier des charges – ou parce que c’est un « mot d’ordre » reptilien – Mme Miauton finit par moquer « les gauchistes entraînés par Zisyadis débarqués à Tunis » pour exprimer la solidarité de notre pays à la population tunisienne. Je ne sais pas ce qu’ils vont faire là-bas, mais une chose est sûre : eux au moins iront sur le terrain prendre connaissance de la situation plutôt que de pérorer à coups d’idées reçues et de schémas éculés.
J’ignore de quoi l’avenir des pays arabes sera fait et j’admets que l’on peut à juste titre s’inquiéter de certaines situations. Mais une chronique antidémocratique par principe n’est pas digne d’un journal comme « Le Temps ».
Daniel
20 minutes du 31 janvier 2010: 3 articles de la même édition
Au moment de l’apparition des journaux gratuits en Suisse romande (à l’époque, il y en avait deux, le Matin bleu et 20 minutes), leurs promoteurs allaient répétant que leurs journaux seraient objectifs, ne rapporteraient que des faits et ne s’embarrasseraient pas de commentaires « subjectifs » comme le font les journaux traditionnels. En d’autres termes, ils promettaient la sacro-sainte « objectivité« . Il vaut la peine d’examiner comment les « faits » sont rapportés par le représentant résiduel des journaux gratuits.
Sous le titre « Jeunes femmes de moins en moins disposées à voter« , « 20 minutes » rapporte sur une étude montrant que les jeunes femmes voteraient de moins en moins. Le résumé des éléments de cette étude est très succinct, mais il n’empêche pas de faire appel à l’ineffable UDC. Mais là, on évoque des jeunes hommes qui votent pour le parti d’extrême-droite, permettant une habile transition pour laisser la conclusion au secrétaire générale de l’UDC, Martin Baltisser, qui met en rapport cette participation nouvelle avec la « politique cohérente » de son parti sur les thèmes de la violence et de la criminalité des étrangers. La participation électorale ne dépendrait donc que de cela ? « 20 minutes » sert ouvertement la soupe à l’UDC…
Quelques pages plus loin, on rencontre le titre suivant : « Les banques n’ont pas misé sur la baisse de l’euro« . Ouf, elles sont quand même gentilles nos banques, et prévenantes, parce qu’elles auraient pu saisir là une opportunité de gain facile. Et on passe la parole au président de Crédit suisse qui affirme que les grandes banques n’ont pas spéculé sur l’euro et qu’elle n’ont aucun intérêt à voir s’affaiblir l’euro. Puis à Kaspar Villiger, le bon Kaspar Villiger, qui assure que les accusations selon lesquelles sa banque (qui ne spécule jamais… foi de subprime !) aurait spéculé contre l’euro sont absurdes. Et voilà, m’sieur-dames… c’était une dépêche de l’ATS qui informait sur un démenti des banques. Point barre. Mais pour « 20 minutes », cela devient de l’or en barres, la pure vérité que l’ont traduit donc avec un titre catégorique. Vérifier d’une manière ou d’une autre cette affirmation ? Mais vous n’y pensez pas… Les banques suisses incarnent la pureté même.
Un troisième titre m’intrigue aussi : « Détenus pas égaux en chaînes« . Peut-être à cause du jeu de mots… On y évoque une inégalité entre détenus de différentes prisons qui n’auraient pas accès au même nombre de chaînes de télévision : 55 chaînes à Lenzbourg contre 29 à Witzwil. Première réaction : on s’en fout ! Après tout, les habitants des cantons de montagne ont aussi accès à moins de chaînes de télévision que ceux des grandes agglomérations du pays. On est loin d’un scoop. Autre hypothèse : le sujet n’a aucun intérêt, mais il permet de remettre la compresse sur l’antienne populiste qui veut que les prisons soient trop confortables… Vous vous rendez compte, « ils ont même la télé » !
Le voilà en pleine lumière, ce journal soi-disant objectif et factuel : il sert la soupe à l’UDC, assure la propagande des grandes banques sans vérifier leurs affirmations et conforte les propos de café du commerce à propos des conditions de vie des détenus. On ne saurait reprocher à un journal d’avoir une ligne éditoriale, mais on pourrait au moins attendre une séparation entre information et commentaire de la part de gens qui se prétendent journalistes. Question de déontologie !
Quant au citoyen, il peut aussi s’interroger : est-il normal qu’un organe de propagande et de racolage publicitaire soit disponible partout dans le pays gratuitement. Est-ce qu’on tolérerait des caissettes de prospectus de Greenpeace ou d’un syndicat dans toutes les gares et à tous les arrêts de bus ?
Daniel