Dans la presse et les médias, du 24 au 30 janvier 2011
La sélection habituelle… comme chaque semaine.
Sur « Telos », le 24 janvier 2011 : Tunisie : « Oui mais nous ne savions pas ! »
Sur la complaisance à l’égard des dictatures du monde arabe. Aveuglement : jusqu’ici, tout va bien…
Sur Largeur.com, le 25 janvie 2011 : Un exécutif plus bête que méchant
Politique suisse : sur la petitesse des mesures gouvernementales.
Sur « Marianne 2″, le 25 janvier 2011 : Une falsification de la science au nom de la démocratie
Les questions scientifiques sont de plus en plus soumises au débat d’opinion dans les médias, négligeant complètement la méthode scientifique. Etes-vous pour ou contre le réchauffement climatique ?
Dans « Le Temps » du 29 janvier 2011 : «Quand un rêve se répète, c’est qu’il cherche son interprète»
Interview de Tobie Nathan à propos de son dernier livre sur l’interprétation des rêves. J’aime ses portes ouvertes plutôt que fermées…
Dans « Le Temps » du 29 janvier 2011 : Le blocage d’Internet est quasi total en Egypte
On parle souvent de blocage d’Internet (partiel ou total) par des dictatures. Mais comment ça marche ? Un journaliste du Temps a eu la bonne idée de donner des explications.
Sur « Slate.fr », le 27 janvier 2011 : La Chine au bord du désastre écologique
La Chine se charge désormais de produire, et d’assumer la pollution corollaire, des biens que nous consommons. Cela peut-il durer ?
Bonne lecture !
Daniel
Le Temps du 28 janvier 2011 : Sondage choc, l’UDC approche les 30% d’électeurs, le PS recule
(Graphiques ici).
Un sondage près de 10 mois avant les élections ne devrait pas être trop pris au sérieux : les électeurs ne se préoccupent pas encore de l’échéance et les questions qui sont dans l’air ne sont pas celles qui seront en évidence lors de la campagne électorale. Cela n’empêche pas les médias de s’emparer de ces sondages qui permettent toutes sortes de développements (sur le site de la TSR, par exemple).
Il n’est donc pas encore possible de prévoir les résultats des élections fédérales d’octobre 2011. C’est entendu. Mais un sondage de ce type peut fournir un prétexte pour réfléchir aux stratégies politiques des partis. Je vais donc utiliser les résultats de ce sondage comme s’il s’agissait tout simplement d’un scénario… parmi d’autres scénarios possibles. Que dit alors celui-ci : l’UDC à 29,8 % (qui réussit donc encore à gagner) et la gauche en perte de vitesse, le PS à 18,0 % et les Verts à 8,8 % (soit26,8 % pour les deux partis de gauche).
La fiche technique du sondage concède une marge théorique d’erreur de 2,5 %. Il s’ensuit donc que l’UDC pourrait tout aussi théoriquement atteindre 32,3 % et la gauche tomber plus bas encore. L’inverse est évidemment aussi possible, une UDC en baisse par rapport aux élections de 2007 (28,9 % alors) et une gauche qui maintiendrait ses positions. Mais le scénario qui ressort de cette enquête, c’est la probabilité d’une nouvelle avancée de l’ultra-droite UDC et un recul de la gauche. Et c’est sur ce scénario que je voudrais réfléchir, parce qu’il serait neuf, contrairement à un maintien des positions actuelles des partis.
Le président du PS, Christian Levrat, évoque un « glissement inquiétant« . A juste titre : si le sondage voit juste, les pertes de la gauche l’empêcheraient désormais de faire passer certains projets en s’appuyant sur des alliés au PDC ou dans les franges les plus modérées des radicaux. Les seules alliances efficaces resteraient les « alliances contre-nature » avec l’UDC, mais on sait que celles-ci ne fonctionnent que négativement, pour couler un projet et non pour mettre en place des propositions constructives.
Etant donné que ce scénario n’est pas complètement farfelu et pourrait devenir réalité, il est indispensable de le prendre en compte. L’impression qui se dégage depuis quelques années est que les partis gouvernementaux (PS, PDC et PLR) vont aux élections fédérales comme à l’abattoir. La certitude de se faire battre par un parti qui dispose d’un budget supérieur à celui de tous les autres partis et l’impression d’une montée inexorable semble accabler les politiciens qui ont dirigé la Suisse depuis des décennies. A titre personnel, je suis révolté par l’impression que personne ne tente rien contre la montée de l’extrême-droite.
Dans ces conditions, la question de la participation des partis de gauche au gouvernement devrait se poser, mais pas forcément comme elle s’est posée à l’occasion des gifles reçues lors d’élections au gouvernement. Les dirigeants socialistes ont coutume de dire qu’ils ont plus à gagner à être présent au gouvernement qu’à ne pas y être. En admettant qu’ils aient raison, peut-on demander si le peuple suisse est lui aussi gagnant ? Des conseillers fédéraux socialistes voués à la dégustation de couleuvres et contraints d’accepter les départements que la droite ne veut pas, est-ce que c’est une perspective stimulante pour tous ceux qui souhaitent faire évoluer notre société ? Et si un des sièges socialistes venait à être donné aux Verts par la droite, qu’est-ce qu’on y gagnerait ?
Mon sentiment est ici celui d’une gigantesque constipation politique. Personne ne bouge en espérant garder le peu de pouvoir qui reste à ceux qui devraient ambitionner de réformer la société. Il est vrai que la gauche se voit dépouiller peu à peu d’une grande partie du vote des classes populaires en faveur de l’UDC et qu’elle ne sait plus si elle doit glisser vers le centre pour conforter un électorat centriste de classe moyenne ou glisser vers la gauche pour motiver un électorat populaire. Un coup à droite, un coup à gauche, sans aller de l’avant…
A ce stade, j’ai envie d’évoquer le souvenir du fameux « gouvernement monocolore » du canton de Genève, élu en 1993. A l’époque, des libéraux brûlant d’enthousiasme pour le néolibéralisme à l’américaine avait réussi à entraîner les autres partis de droite pour bouter hors du conseil d’Etat les deux socialistes qui y siégeaient depuis des années. Je suis personnellement convaincu qu’une partie des dirigeants de l’UDC rêve secrètement de réussir une opération analogue, même si les moyens seront différents étant donné la différences des modes d’élection). La gauche doit-elle sagement attendre la baffe ou adopter une stratégie d’anticipation ?
Il faut se souvenir que le « gouvernement monocolore » n’a pas duré plus qu’une législature (4 ans). Depuis, la gauche genevoise a toujours eu au moins trois représentants au gouvernement. Dès lors, est-ce que la gauche fédérale ne pourrait pas imaginer d’être un peu plus ambitieuse que le mouton conduit à l’abattoir ? Rien n’empêcherait le PS et les Verts de conduire une campagne offensive, en expliquant qu’ils visent un résultat déterminé (par exemple 30 ou 33 % des voix ensemble) qui leur permettrait de faire appliquer au moins une partie de leurs programmes, mais qu’ils renonceraient à participer au gouvernement si la population ne leur accordait pas une confiance suffisante. Après tout, si « le peuple » vote à 75 % à droite, il n’est pas complètement illogique qu’on lui accorde un gouvernement clairement orienté à droite.
Cela permettrait à la gauche de se profiler à nouveau clairement. Un petit tour sur les sites de quotidiens montre une quantité invraisemblable de commentaires associant sans distinction le PS à la politique de droite menée par la majorité parlementaire fédérale. Redonner un peu de clarté aux clivages politiques permettrait au PS et aux Verts de mieux montrer qui dit quoi et qui fait quoi, que ce soit lors de la campagne électorale ou ensuite dans une opposition déterminée à coups de référendums (ce qui s’était passé pendant 4 ans à Genève, avec un Conseil d’Etat plusieurs fois désavoué). Mais il faudrait pour cela oser prendre quelques risques pour tenter de redonner une envie de gauche à une partie de l’électorat.
Moi-même, je ne me sens plus très motivé à voter pour ceux qui baissent la tête en attendant tristement la défaite et la perspective de gouverner avec trois conseillers fédéraux blochériens. Mes suffrages pourraient dès lors s’égarer ailleurs en octobre 2011…
Daniel
Dans la presse et les médias, du 17 au 23 janvier 2011
Quelques lectures issues de la semaine passée :
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Sur Largeur.com, le 18 janvier 2011 : Le torticolis de la femme UDC
Dur… dur d’être femme dans un parti d’hommes, des vrais avec flingue à la main et poils sur le torse…
Dans « Le Monde » du 17 janvier 2011 : « L’un des grands dangers est l’alliance FN-droite »
Une interview de l’historien Michel Winock sur les évolutions politiques récentes en France, en particulier le semblant de normalisation de l’extrême-droite.
Sur « Marianne 2″, le 21 janvier 2011 : La Tunisie n’est ni l’Algérie, ni le Maroc, ni l’Iran
Les limites des comparaisons et des tentations de généraliser, en examinant les spécificités de la « révolution tunisienne ».
La BNS ne complète tout à coup plus les budgets cantonaux et se retrouve sous les feux croisés. Mais elle se débat dans des difficultés dont elle n’est pas responsable. Et si on s’attaquait à la source de ces problèmes ?
Sur « Domaine public « , le 23 janvier 2011 : Par ici les bénéfices de la Banque nationale
Une deuxième article sur le même thème qui complète bien le premier.
Dans « Libération » du 22 janvier 2011 : Une ère conditionnée
L’anthropocène… nouvelle ère géologique. Un mot pour enfin prendre conscience ? J’ai acheté le bouquin de Lorius… reste à terminer les trois déjà ouverts et je m’y mettrai.
Dans « L’Hebdo » du 20 janvier 2011: Ce que savaient vraiment les Suisses
L’extermination des juifs : « On ne savait pas »… L’Hebdo revient une nouvelle fois sur cette « croyance » en la défaisant. C’est certainement encore utile tant la tentation de la bonne conscience est forte. Notamment lorsque l’UDC tente d’empêcher l’enseignement des pages les moins favorables de l’histoire suisse.
Bonne lecture !
Daniel
Le Temps du 20 janvier 2011 : Souffle de vie sur la politique suisse
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A l’orée d’une année électoral au niveau fédéral (et aussi dans plusieurs cantons), « Le Temps » propose un éditorial optimiste sur l’état de la vie politique suisse. Le constat proposé est le suivant : « Un souffle de vie agite le paysage politique helvétique, longtemps atone« . Et c’est sacrément vrai : la politique suisse avait la réputation d’être ennuyante et monotone au possible et cette impression faisait à peu près l’unanimité. Les résultats des élections se soldaient par de légères variations des pourcentages de voix et la stabilité du système était à toute épreuve (la formule était même magique !). Les choses ont bien changé.
Comme le constate l’éditorial, « il ne manque pas de commentateurs pour déplorer le triple mal qui rongerait notre démocratie: «peopolisation», polarisation et médiatisation« . J’ai de bonnes raisons de me sentir, parmi d’autres, visé. ;- ) J’assume d’ailleurs volontiers… même si je reconnais aussi m’être parfois ennuyé dans le passé. Terrible contradiction. L’éditorialiste continue avec « trois maux qui s’entretiennent, les médias avides de sensations servant la soupe à des personnalités outrancières, négligeant les dossiers de fond et sapant l’esprit de concordance, fondement de nos institutions« , mais déplore la tendance au « c’était mieux avant » à l’époque des politiciens gris et compétents. Mais il relève à juste titre que la politique suisse d’alors s’accompagnait aussi d’une très faible participation aux votations et d’un désintérêt dû à la très grande dépersonnalisation de la politique. Ne serions-nous donc jamais contents ?
Le foisonnement actuel serait donc salutaire et le spectacle rénové de la politique permettrait de recoller aux préoccupations populaires. Conclusion du rédacteur : « Mais si le trio personnalisation – médiatisation – polarisation permet aux citoyens de se sentir davantage concernés par ces élections, ce ne sera pas un mal« .
Paf, éditorial fini. On s’arrête là… brusquement. Alors, j’ai envie de poursuivre le raisonnement : d’accord pour considérer que la politique suisse a repris des couleurs, qu’elle est en train de reconquérir l’intérêt des citoyens. Je le vois moi-même régulièrement dans mes classes, face à des jeunes plus sensibilisés aujourd’hui qu’hier aux enjeux politiques (mais pas forcément à la politique politicienne… est-ce un mal ?). Mais doit-on pour autant se satisfaire d’une politique trop souvent vulgaire, simpliste et communiquée à la façon des publicitaires ? Faut-il donc, pour que la politique soit plus vivante, qu’on prenne les citoyens pour des demeurés ou des pigeons ?
Non, résolument non ! D’accord pour appâter le citoyen avec du bruit, de la couleur et de l’émotion. Mais ensuite, il faut qu’il y ait aussi du contenu, soit des débats argumentés, de l’information fouillée, des réflexion de fonds et des projets présentés avec soin. Le travail de la presse n’est certainement pas de se contenter de rendre intéressante la politique en la transformant en spectacle de combats de coqs, mais bien de proposer un décodage des enjeux avec pédagogie. Au fond, c’est justement un peu comme à l’école : on peut susciter l’intérêt d’une classe en brandissant une manchette provocatrice ou en montrant une vidéo trouvée sur Youtube. Mais l’enseignant qui se contenterait d’amuser ainsi ses élèves serait un escroc. Ces accroches servent justement à faciliter la transmission d’une matière a priori moins attrayante, mais plus importante. Il en va à mon sens de même des enjeux politiques et du rôle des médias.
J’attendrais donc d’un des derniers journaux parlant de politique avec sérieux qu’il hésite moins à préconiser une élévation du niveau du débat.
Daniel
20 minutes du 19 janvier 2010 : Un poison dans le tube de dentifrice
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/23395613
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Peur en « Une » de 20 minutes : « Un poison dans le tube de dentifrice »
Question : Quel tube ? Le mien ? Tous les dentifrices ?
Rassurant : Dans les dix lignes qui suivent le titre de Une, « Il n’y a donc pas de danger à se badigeonner de crème solaire ou à se brosser consciencieusement les dents« .
Ouf ! Je peux continuer à me brosser les dents…
Peur en page 2 : « Une étude fait craindre un drame de l’amiante bis » et « Une étude franco-suisse tire la sonnette d’alarme au sujet des nanoparticules qui envahissent le quotidien des consommateurs« .
Argh ! Il ne s’agit donc pas que du dentifrice
Peur : « Dentifrices, cosmétiques, crèmes solaires… (…) des substances contenues dans ces produits, les nanoparticules de dioxyde de titane, produisent dans les poumons des effets inflammatoires similaires à ceux de l’amiante. Ce type de fibres utilisées dans la construction a causé de nombreux morts au siècle passé« .
Rassurant : « L’auteur principal de l’étude n’invite pourtant pas le public à cesser de se brosser les dents« (…). « Nul besoin, non plus, de se passer de crème solaire« , « Les nanoparticules ne passent pas la barrière cutanée, mieux vaut s’enduire de crème que risquer un cancer de la peau« .
Ouf ! Hors de danger…
Dangereux, pas dangereux, allez savoir… Je ne suis pas sûr que l’auteur de l’article ait vraiment compris et je suis encore moins sûr qu’on lui en ait laissé le temps. Peut-être qu’une histoire de petit hippopotame ou de chiens écrasés prendrait avantageusement la place de cet article dans « 20 minutes ».
Enfin… pour ce que j’en dis. On peut aussi, pendant qu’on s’ennuie dans le bus, lire d’autres articles du même numéro : « Razzia sur les petites culottes« , « Sauvés des eaux par une poupée gonflable« , « Il met le feu aux WC du lycée« , « Employés libres de choisir la couleur de leur culotte » : c’est une autre obsession… qui effraie moins.
Daniel
Un livre de Richard Aschinger et Christian Campiche : « Info popcorn » (article paru sur Domaine public)
Dans un livre à deux voix, les journalistes Richard Aschinger et Christian Campiche présentent une «enquête au cœur des médias suisses» dans deux versions différentes: News Fabrikanten en allemand et Info popcorn en français. La version française propose une approche historique, une enquête et un réquisitoire.
Au cœur de l’ouvrage, un historique de la descente aux enfers de la presse écrite suisse, emportée dans le tourbillon de la concentration économique. On y retrouve le scénario de la fin des quotidiens La Suisse, la Gazette de Lausanne, le Journal de Genève, l’échec du Nouveau quotidien, la reprise de plusieurs journaux par le groupe français Hersant, la disparition des journaux régionaux vaudois, mais surtout aussi les conquêtes de Tamedia, d’abord en Suisse alémanique, puis sa victoire sur Edipresse à coups de journal gratuit.
La crise économique ouverte en 2001 constitue aux yeux des auteurs une rupture importante, car les journaux profitent peu de la reprise qui suit et la manne publicitaire maigrit au profit des médias audiovisuels. Quant à la Commission de la communication, elle reste spectatrice de ces évolutions. Et le futur n’est pas plus rassurant: «Il n’est pas insensé de penser qu’en 2020, la plupart des quotidiens imprimés sur papier auront disparu». Les auteurs s’interrogent en particulier sur le sort que réservera à terme le groupe Tamedia aux journaux romands dont il est devenu propriétaire. Quant aux derniers titres restés indépendants comme La Liberté et Le Courrier, leur situation reste très fragile.
Les auteurs ont aussi mené l’enquête pour étayer un constat de baisse de qualité. Les exemples concrets ne manquent pas des cas de publicités déguisées en articles, de mises en pages humiliantes pour séduire des annonceurs, d’articles de complaisance, de fausses informations ou d’arrangements complices entre un titre de première page et une publicité redondante. L’information cède la place au divertissement et à l’anecdote. Et ce qui reste d’informations est livré sans décodage. En somme, la presse ne fait plus son travail de quatrième pouvoir: «L’info popcorn mène tout droit aux communicateurs et aux manipulateurs». Ce n’est plus le citoyen qui est ciblé, mais le consommateur, une évolution incarnée à la perfection par la diffusion des journaux gratuits.
L’enquête permet aussi de mettre en évidence le cercle vicieux des mesures d’économies: moins d’argent,moins de postes rédactionnels, moins de lecteurs, moins d’argent… Par ailleurs, à la concentration horizontale par rachat de journaux s’ajoute désormais une concentration verticale qui permet à un même groupe de médias de maîtriser toutes les étapes de la commercialisation d’un produit comme un concert: organisation de l’événement, vente des billets, promotion, articles de presse exclusifs, revente du son et de l’image.
Ces constats amènent les auteurs à dresser un réquisitoire contre ceux qu’ils identifient comme les responsables de cette triste situation: des éditeurs mégalomanes et incompétents qui ont tout sacrifié à leurs projets personnels. La fin du livre semble laisser place à un espoir ténu. Internet pourrait offrir des solutions d’avenir, en redonnant plus d’espace pour les textes, en offrant un accès facilité à des documents complémentaires et en permettant une diminution des coûts d’infrastructure, ce qui libérerait des moyens financiers pour un réel travail journalistique. Les exemples récents de Rue89 et Mediapart, en France, pourraient servir de modèle.
Si l’ouvrage fournit de nombreuses informations sur l’évolution des médias, on peut toutefois regretter un plan quelque peu difficile à suivre et l’absence de perspectives d’avenir plus explicites. Quant à la nostalgie des auteurs pour la presse d’antan, elle paraît relever d’une certaine idéalisation du passé.
Il faut surtout considérer ce livre comme un appel de détresse adressé aux lecteurs. Le financement de la presse ne peut passer que par les lecteurs, le pouvoir économique et les autorités politiques. Les premiers n’ont pas intérêt à laisser trop de place aux deux autres.
Daniel Schöni Bartoli
Article paru le 18 janvier 2011 sur le site Domaine public
Dans la presse et les médias, du 10 au 16 janvier 2011
Et voici le retour de la petite sélection hebdomadaire….
Dans « Le Temps » du 13 janvier 2011 : L’UDC à la pointe des «blocs identitaires»?
L’UDC est devenue l’exemple à suivre et l’archétype du parti d’extrême-droite à l’échelle européenne… Et elle ne s’en cache plus vraiment !
Dans « le Temps » du 15 janvier 2011 : Le grutlisme
Une certaine conception de l’histoire qui veut rattacher la Suisse à des origines médiévales mythologisées plutôt qu’à sa création moderne au XIXe siècle. Comme Suisse romande, cela laisse songeur…
Sur le site « Telos », le 14 janvier 2011 : La Tunisie et la tragédie arabe
La « révolution tunisienne » (en espérant qu’elle aboutisse à autre chose qu’un changement de marionnette…) vue dans une perspective plus large, à l’échelle des divers régimes arabes.
L’ascension de la fille de Le Pen, grâce à une instrumentalisation efficace des médias… qui se sont laissés faire.
Intéressante enquête autour du fonctionnement du Conseil fédéral
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Sur « Domaine public », le 16 janvier 2011 : La monnaie de notre pièce
Le franc est trop fort, mais des solutions existent… même si on en parle peu.
Bonne lecture !
Daniel
20 minutes du 13 janvier 2010 : Police troublée par une vidéo
http://www.20min.ch/ro/news/suisse/story/L-etrange-kidnapping-qui-inquiete-la-police-14383377
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Vous êtes remplisseur de pages d’un quotidien gratuit et il vous reste une petite surface à remplir, de l’ordre de 30 à 40 centimètres carrés. Vous êtes bien embêtés et il vous reste très peu de temps. Vous n’avez pas non plus d’annonce publicitaire qui veuille bien remplir ce format. Zut ! Que faire ?
Allez, vite… un petit tour sur Youtube et quelques sites, un coup de téléphone à Zürich, et on va bien réussir à « remplir »… un titre et 14 lignes suffiront. Voici le texte qu’on pourra ensuite lire dans la version papier de « 20 minutes » :
« Police troublée par une vidéo
Vrai enlèvement lors d’un brigandage ou canular ?Des images semblant provenir d’une caméra de surveillance ont poussé la police zurichoise à ouvrir une enquête. La vidéo montre une voiture s’arrêtant net après une collision. Deux personnes encagoulées chargent des sacs et enlèvent brutalement un témoin qu’elles jettent dans le coffre avant de repartir« .
Et c’est tout : on ne sait pas s’il s’agit vraiment d’un brigandage ou d’un canular, on ne sait pas s’il s’agit vraiment d’une caméra de surveillance (il semble…)… bref, le rédacteur ne sait rien, mais tient à le faire savoir !
Sur le site du journal gratuit (qui a pris soin d’indiquer un lien sur son site à la suite des 14 lignes…), l’article est un chouia plus long. Le titre est étrangement affirmatif : « L’étrange kidnapping qui inquiète la police« . Ici, on n’envisage plus l’éventualité d’un canular…non,non, il s’agit bel et bien d’un « kidnapping« . On apprend ensuite que la porte-parole de la police zurichoise « n’est pas au courant d’une tentative d’effraction dans une bijouterie de Zurich, ni d’un kidnapping« . On comprend aussi que toute l’affaire est liée à l’apparition d’une vidéo sur Youtube, postée par un certain « billionaireZH« . On découvre encore l’étrange utilisation du français du préposé à la page « Actu » de « 20 minutes » lorsqu’il évoque les « soit-disant cambrioleurs » : au soi-disant journaliste, ils n’ont pourtant jamais dit qu’ils étaient des cambrioleurs…
Il n’y a donc pas d’information : c’est juste une vidéo sur Youtube, qui peut provenir de mauvais plaisants ou même d’un film. Le rédacteur n’a aucune autre information que « la police zurichoise s’inquiète et enquête ». A part ça, le vide sidéral. Mais cela n’empêche pas de publier…
Vous aussi, vous voudriez voir « 20 minutes » faire de la publicité pour l’une de vos vidéos sur Youtube ? Alors, vous avez compris ce qu’il vous reste à faire. Mais en matière d’information, ce trou noir de « 20 minutes » reste assez troublant…
Daniel
Une affiche de l’UDC en vue de la votation sur l’initiative «Pour la protection face à la violence des armes»
http://www.ch.ch/abstimmungen_und_wahlen/01253/02247/index.html?lang=fr
En vue de la votation sur l’initiative socialiste pour renforcer le contrôle sur les armes, on pouvait se demander si le maniement des émotions allait pour une fois changer de camp. Yvan Perrin, vice-président de l’UDC, l’avait d’ailleurs confessé en disant que ce serait cette fois plus difficile pour l’UDC qui serait « du côté de la réflexion » alors que ses adversaires pourraient jouer sur les peurs (magnifique aveu a contrario sur la place de la réflexion quand il s’agit des initiatives de l’UDC…).
Au retour d’une semaine de vacances à l’étranger, à nouvel an, je suis tombé nez-à-nez avec la nouvelle affiche à la gare de Lausanne, et je me suis dit : « Incroyable, ils ont réussi à retourner le truc !« . Et les initiants se retrouvaient à nouveau dans le camp des « pro-criminels étrangers » et l’UDC dans celui des Suisse angoissés… Cela dit, je ressentais comme un étrange malaise en voyant cette affiche… un malaise que je n’arrivais pas à expliquer. Après tout, ce n’était qu’une affiche excessive de plus de l’UDC ou de ses sympathisants (je ne suis pas certain que l’affiche soit formellement de l’UDC, mais je ne l’ai trouvée que sur le site UDC-Valais). Mais après tout, pas de quoi en faire un fromage… on finirai presque par s’habituer.
Et pourtant, cela me chiffonnait quand même. Et je crois que j’ai fini par comprendre ce qui me dérangeait. Ce n’est pas le look du criminel étranger (pas vraiment plus affreux que d’habitude), ni son pistolet (dont le canon me pointe pourtant très directement…). Non, c’est bien du slogan qu’il s’agit : « Monopole des armes pour les criminels, NON !« .
Je m’explique. Nous avons là affaire à une initiative qui propose d’agir « contre la violence des armes » en renforçant l’arsenal juridique. On peut trouver que c’est trop ou que ce n’est pas assez. On peut argumenter sur la responsabilité du citoyen (comme la droite) ou sur le renforcement des précautions (comme la gauche).C’est un débat politique en somme assez classique. Juste un débat juridique sur des normes que les citoyens doivent adopter. Les voies de l’Etat de droit…
Mais les promoteurs de l’affiche voient les choses autrement : ce qui les dérange, au fond, c’est que les « honnêtes citoyens suisses de leurs rêves » soient désarmés face aux « méchants criminels étrangers qui de toutes façons ont des armes illégalement« . Ici, on ne parle plus du droit : on demande à ce que les Lucky Luke possèdent des armes pour faire face aux Daltons. C’est la logique du Far West : on prétend se défendre avec des armes contre les armes !
Contre les étrangers criminels, les mesures légales semblent ne plus suffire à l’extrême-droite helvétique. Il s’agit désormais aussi d’user de la manière forte. Un message assez troublant…
Daniel