Retour sur le contenu d’un article de l’Hebdo : « Condamnés à subir » – 2 décembre 2010
http://www.hebdo.ch/condamnes_a_subir_74286_.html
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Les élections fédérales auront lieu dans moins d’un an, à l’automne 2011. On sent bien que tout le monde politique y pense, mais personne n’a véritablement commencé sa campagne, à part l’UDC qui est en campagne permanente. Le parti nationaliste aligne les initiatives symboliques qui fortifient son « image de marque » et semble avoir toujours un coup d’avance… Les autres partis, de gauche comme de droite, semblent subir la situation avec fatalisme comme l’indique le titre de l’article en exergue : « condamnés à subir« .
Et pourtant, suite à la campagne des moutons, puis celle du berger, grâce à un affichage systématique sur les murs de toute la Suisse, on aurait pu imaginer que les adversaires du parti des moutons tenteraient de mettre en place des clôtures pour ne plus être systématiquement broutés. Eh bien, non… rien. Examinons donc dans cet article les reliefs du défaitisme :
« Tous les partis se rejoignent sur un point: la disproportion des moyens financiers à disposition des différentes formations a joué un rôle central« .
C’est là surtout que je ne comprends décidément pas. Ce constat était déjà fait de façon édifiante en 2007 et il ne s’est rien, strictement rien passé, à part des jérémiades. L’UDC s’apprête à claquer des millions en 2011 et les autres se préparent à regarder les affiches en protestant. C’est tout, c’est nul.
Christophe Darbellay dénonce « le manque d’engagement de l’économie qui n’a pas fait son travail en mettant tous ses œufs dans le même panier« .
Plus que révélateur : le tourneur de vestes en chef compte sur « l’économie » (en fait, il parle ici du « lobby » de l’économie) pour faire la politique à sa place. Exit les citoyens, les partis politiques, les militants… Où est la différence avec le marketing de l’UDC ?
Le conseiller national Andreas Gross (PS/ZH) propose un système original: « Chaque contribution entre 50 et 1000 francs à un parti serait doublée par l’Etat, à condition que sa provenance soit rendue publique. Cela accroîtrait la transparence sur les dons de moyenne importance« .
Voilà une idée qu’elle est géniale ! Si chaque entreprise affiliée à l’USAM ou à economiesuisse donne 1000 balles, les contribuables en seront aussi pour 1000 balles. Je ne vois pas en quoi cela ferait évoluer favorablement l’équité « sportive » entre les partis en compétition. A moins que les citoyens s’engagent en masse par des dons… Mais il ne faut pas trop rêver, ils sont déjà très nombreux à avoir de la peine à concéder le prix d’un timbre pour voter.
La droite se montre plus rétive, à l’image du président du PLR Fulvio Pelli, qui estime que « réglementer les finances des partis reviendrait à tuer la démocratie directe ».
Oui, évidemment, si la démocratie directe consiste à courir après les thèmes de l’UDC multipliés à l’infini dans les journaux et sur les murs… couper le cordon financier tue la polycopie directe. A moins que Pelli ne pense à son parti tué par la fin de son financement bancaire ?
« L’UDC ne maîtrise en réalité l’agenda que sur les questions symboliques à forte consonance identitaire, comme l’immigration« , souligne Christian Levrat.
Et cela occupe votre électorat, Monsieur Levrat. Pendant qu’il pense aux minarets, il oublie un peu les assurances sociales, surtout s’il est galvanisé par une victoire sur les « masses musulmanes ». Un peu comme le mundial de foot, en somme…
Autre fétiche de l’UDC: l’insécurité. « Nous ne sommes pas assez offensifs sur ce sujet« , admet Hans Grunder. « Nous sommes davantage dans la réaction que dans l’action ». Christophe Darbellay reconnaît que le discours du centre droit sur ces questions est souvent « trop compliqué » et qu’il faut davantage « raconter une histoire ».
Raconter une histoire… avec des moutons, des corbeaux ou des violeurs ? Bravo… faire comme l’UDC, mais avec moins de moyens. Vous espérez quoi, au juste, à part vous mettre vous aussi à prendre les gens pour des cons ?
« Confrontés à la fascination des médias pour un monde en noir et blanc« , les partis doivent s’adapter, juge-t-il (Darbellay).
Des moutons en noir et blanc. On n’en sort décidément pas.
Le Tessinois (Pelli) rappelle que « Si l’agenda virtuel ou médiatique est dominé par l’UDC, l’agenda réel – celui des décisions qui se prennent au Parlement – est dominé par le centre droit.»
Le centre-droite, une fois avec la gauche, une fois avec la droite, une fois avec la gauche, une fois avec la droite… est majoritaire au parlement. Bravo, super. Mais il se fait ronger élection après élection… en regardant les moutons passer. Monsieur Pelli se rassure à bon marché.
Voilà où on en est à un an des élections fédérales. Trois années sont passées et aucune mesure n’a été prise pour que les élections se jouent « à la loyale » et sur des programmes politiques plutôt que sur des « thèmes » (aujourd’hui, on ne propose plus, on thématise…). Chacun se prépare à pleurnicher et à se disputer avec les autres perdants. De doctes petits malins s’ingénieront aussi à expliquer que l’argent ne fait pas les votes (traduction : les dirigeants de l’UDC sont de pitoyables gestionnaires financiers puisqu’ils jettent l’argent par les fenêtres sans résultat – vous y croyez, vous ?).
Plafonner les dépenses est difficile : comment contrôler, étant donné qu’il est possible de multiplier les comités de soutien et que les finances des partis sont complètement opaques ? Un financement public semble tenir de l’utopie. La transparence des dons est également contournable. La fatalité… Mais ce n’est pas vrai, car des solutions existent. Il serait possible de limiter les moyens de propagande dans les journaux et par affichage public. C’est faisable. On ne contrôlerait pas les fonds à la source, mais à leur emploi. La liberté d’expression ne serait pas touchée et l’UDC pourrait continuer à imaginer des affiches animalières. Elle ne pourrait simplement plus en afficher 100 fois plus que ses adversaires !
Peut-être qu’on y réfléchira enfin en 2012, après une nouvelle victoire de l’UDC. Je suis personnellement écoeuré par cette manière mercatique de faire de la politique. Le citoyen s’est effacé derrière la logique du « consommateur de politique ». Et, en définitive, seul l’âge quelque peu avancé du vieux leader nous épargnera peut-être le retour des affiches « Big Blocher is watching you »…
Daniel