Le Temps du 22 janvier 2010 : Ospel impuni
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/ba232ebe-06d5-11df-94c2-2988331f6ea6/Ospel_impuni
Il est de bon ton à droite de stigmatiser la gauche pour son prétendu « angélisme » face à l’insécurité de rue. Mais s’il s’agit bien d’angélisme, celui-ci ne se rencontre pas qu’à gauche et ne concerne pas que cette question. La chronique de Marie-Hélène Miauton de ce vendredi 22 janvier en donne une assez bonne illustration.
Extraits de lecture et commentaires :
« Les peuples ont besoin de trouver des responsables aux maux qu’ils subissent. (…) C’est pourquoi l’impunité de Marcel Ospel apparaît comme un scandale de plus dans une crise qui n’en manque pourtant pas«
Pas seulement les « peuples ». Mme Miauton elle-même adore « trouver des responsables » à longueur d’année dans ses chroniques, surtout à gauche d’ailleurs. Je sais, je suis un fidèle lecteur…
Quant à Marcel Ospel… s’agit-il vraiment ici d’une manie populaire ou plutôt d’une affaire qui défie les grandeurs financières habituelles… allez savoir !
« Comme toujours, c’est la collusion du politique et du juridique avec l’économie qui est accusée« .
Toujours… comme les petites frappes albanaises du Kosovo, les trafiquants africains, les chauffards balkaniques, les affreux abuseurs de l’aide sociale : tous sont des collusionnés du politique et du juridique avec l’économie, toujours… C’est dingue comme les « accusations » portent toujours sur cette « collusion ».
« Sur le plan politique, la faiblesse tant dénoncée du gouvernement suisse lui épargne les dérives des pouvoirs forts, allant du népotisme à la dictature en passant par la corruption. Ce n’est donc pas parce que le système serait complice ou complaisant que Marcel Ospel s’en sort si bien.«
Le gouvernement suisse, ce sont des gentils : pas de népotisme, pas de corruption, pas de complicité, pas de complaisance. Pareil pour nos élus fédéraux lobbyistes… C’est vrai, y’en a point comme nous, nous avons les politiciens les plus honnêtes du monde. Forcément, ils sont suisses !
« Ce n’est pas non plus parce que ses salaires indécents l’ont rendu riche qu’il échappe à la loi s’il l’enfreint. Comme tout un chacun, il paiera l’amende s’il roule à 160 km/h ou ira en prison en cas d’ivresse au volant.«
C’est bien vrai, ça : s’il avait roulé trop vite en buvant comme un trou, alors il aurait peut-être fini au trou, justement. Mais c’est bête : les gens comme lui n’ont pas la vulgarité de commettre des accidents aussi stupides, ils laissent cela aux classes populaires. Ils préfèrent se remplir les poches, partir sans payer et laisser l’ardoise au contribuable. En Suisse, on réprime donc plus sévèrement les délits des pauvres que les délits des riches.
« Il n’y a pas enfin aux Chambres des députés ou sénateurs, de droite évidemment, qui protégeraient Marcel Ospel du fait que leur parti serait en partie financé par les milieux bancaires. Ils soutiennent en effet l’économie dans son ensemble, et le libéralisme en particulier, et non pas les individus qui la composent, en particulier ceux qui connaissent une disgrâce aussi générale que l’ancien directeur d’UBS.«
Evidemment, ils ne sont pas cons… quand même ! Ils ne vont pas aller se compromettre avec un type comme ça une fois que le pot-aux-roses a été découvert. Mieux vaut « soutenir en effet les futurs Ospel dans leur ensemble, et le lobbyisme en particulier ». Par exemple, en soignant plus particulièrement certains chapitres du code pénal que d’autres. A code pénal manchot…
« Pourquoi dès lors Marcel Ospel ne sera-t-il pas poursuivi? On ne peut pas légalement accuser individuellement un dirigeant pour des décisions qui sont le fait des organes de son entreprise, soit le conseil d’administration et l’assemblée générale, sauf si la faute est pénale évidemment.«
Ben oui… puisque justement le code pénal, rédigé par les politiciens évoqués ci-dessus, a soigneusement évité de trop bien anticiper les éventuels délits que pourraient commettre les éventuels Ospel.
« Il en va de même en politique où de fausses décisions, voire du laxisme font perdre des millions aux citoyens sans que les responsables soient inquiétés. La population ne s’en insurge pas, alors même que le gaspillage cumulé est sans doute énorme, parce que nos politiciens sont des miliciens plus ou moins chichement payés et que leurs fautes (pas toujours révélées) résultent de leur incompétence ou de leur aveuglement partisan et non pas d’un objectif d’enrichissement personnel, contrairement au banquier qui nous occupe.«
Tiens, c’est vrai. Il y a aussi des politiciens qui font des conneries et qui ne finissent pas devant la justice. Ah oui, j’oubliais, ce sont les mêmes qui font les lois qui pourraient ne pas concerner les éventuels Ospel… Ils ne se sont pas oubliés dans l’affaire : pas si cons !
Mais, petit détail en passant : les politiciens d’exécutifs les mieux rémunérérs sont payés 30 à 40 fois moins qu’un Ospel. En plus, comme le dit fort bien Mme Miauton, ce sont des amateurs…
« Voilà donc pourquoi les Etats tentent actuellement de légiférer, la crise ayant brisé le tabou de la non-intrusion étatique dans la sphère de l’entreprise: niveau des salaires, principe de calcul des bonus, taxations de ceux-ci, etc. Malgré la pertinence apparente de ces démarches, sachons refréner la tentation du législateur de verser dans le dirigisme économique dont on connaît tous les méfaits.«
C’est la conclusion : surtout ne pas trop légiférer, des fois qu’on risquerait de prévoir des punitions pour les braves gens évoqués dans l’article. Ce serait quand même con qu’ils finissent par rencontrer des petits dealers en prison. Au fait, c’est quoi le rapport entre la punition d’un Ospel et le dirigisme économique qui arrive à la fin comme la cavalerie dans les western ?
Raaaah… ça fait du bien !
Daniel
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25 janvier, 2010 à 0:16
N’empêche – si je peux me permettre de donner mon grain de sel – je me sens personnellement de plus en plus agacé par la tournure que prend le traitement médiatique et politique de la question du bonus des dirigeants d’entreprises financières. On se focalise de manière populiste sur le montant absolu des salaires (qui ne me choque pas) des dirigeants et cadres de SA, au lieu de traiter le fond du problème qui réside (en partie) dans les incitations asymétriques qui résultent du système de bonus. Un article très bien écrit est paru il y a quelque temps déjà dans la NZZ à ce sujet ( http://www.nzz.ch/nachrichten/wirtschaft/aktuell/manager_sollen_es_spueren_wenn_der_staat_helfen_muss_1.2055969.html ). Seulement, c’est technique, donc c’est barbant et compliqué…
PS: J’espère que tu me pardonneras d’avoir quitté l’aspect pénal que tu évoques dans ton billet.