Editorial de l’Hebdo du 31 juillet 2008 : Il est interdit d’interdire (Olivier Toublan)
http://www.hebdo.ch/Edition/2008-31/Chronique/editorial/edito.htm
L’éditorialiste de l’Hebdo prend peur : est-ce qu’on va interdire l’eau minérale, le sucre, les panneaux solaires, le sport, les informations trop perturbantes, pour arriver à un « monde parfait » ? Manifestement, son éditorial est pour lui l’occasion d’évoquer un fantasme. Revenons aux faits.
De quoi s’agit-il ? D’abord, d’un retour sur le bannissement des cigarettes des lieux publics. Des « petites voix » avaient averti que c’était le début de « toute une série de lois liberticides ». Et le rédacteur en chef adjoint de continuer la liste : « certains parlementaires cantonaux » veulent bannir les jeux vidéo violents (si on recensait tout ce que « veulent » « quelques parlementaires », la liste serait bien longue !), « en Californie », les graisses trans viennent d’être prohibées (En Californie, Monsieur le rédacteur !), les verts viennent de lancer une initiative pour interdire les grosses cylindrées. Il ajoute que les sucres, la viande et l’eau minérale sont les suivants sur la liste (encore, « quelques » parlementaires, je suppose…).
Dans l’art de l’amalgame, c’est pas mal du tout ! Pourquoi vouloir unir dans un « combat pour la liberté » une opposition à ces interdictions ? Pourquoi tout jeter dans le même sac ? D’ailleurs, si on voulait vraiment parler de « liberté », on pourrait aussi évoquer celle des serveurs de bistrot de respirer un air sain (et de choisir une autre mort que le cancer du poumon ?), celle des futures générations de vivre dans un monde pas complètement polluée et au climat déréglé, celle d’enfants d’obèses d’avoir des parents capables de faire du vélo avec eux , etc. La liberté, c’est très pratique, c’est un concept qu’on peut coller à n’importe quoi. A une époque, il servait à s’opposer aux limites de vitesse : liberté de foncer contre liberté de rester vivant ou valide… Depuis, on a sauvé de nombreuses vies (peut-être la vôtre aussi, Monsieur le rédacteur…). Cette conception de la liberté est celle des enfants gâtés, une liberté de satisfaire toutes ses envies et toutes ses pulsions.
Et tout y passe, les « liberticides » sont « politiquement corrects », « bien pensants », « dans l’air du temps », « c’est une nouvelle religion » et « on ne voit pas où ces interdictions vont s’arrêter ». Ouf, quelle hargne. Sur des sujets comme la prévention du tabagisme ou l’écologie des transports, on pourrait tout de même espérer des éditoriaux qui iraient au-delà des poncifs. Quelle platitude que tous ces thèmes jetés sans nuance dans le sac unique du combat pour les libertés. Et on en oublie de parler du fond de ces questions : est-ce que les solutions proposées sont utiles, nécessaires, sont-elles efficaces, combien coûtent-elles, quels seraient leurs avantages et inconvénients, etc. Sans doute bien trop complexe pour la chaleur de cette fin juillet…
Rassurez-vous, M. Toublan, notre liberté va bien plus loin que la cylindrée de nos véhicules ou le contenu en acides grans trans de nos viennoiseries. Vous pouvez vous rendormir !
Dani
Rappels en passant :
- On peut se déplacer en voiture sans pour autant acheter un 4×4 (pour rouler en ville à 30 km/h).
- On peut faire des frites sans utiliser les acides gras trans (et elles seront meilleures !)
- On peut fumer une clope sur le trottoir, sans gêner les autres consommateurs
… on reste libre…
15.8 : Trouvé dans le courrier des lecteurs de l’hebdo, une lettre qui complète le propos :
(…) Le fameux proverbe « interdit d’interdire a montré ses limites. Il n’est simplement pas possible de respecter la liberté de chacun surtout si l’objet qu’on défend est une chose absurde. Pourquoi devrait-on posséder un molosse qui peut défigurer un enfant ? Pourquoi laisserait-on une arme à la maison alors qu’on risque de tuer une ou plusieurs personnes en cas de « pétage de plomb » ? Cette tendance donne évidemment des ailes à certains pour revendiquer tout et n’importe quoi comme l’interdiction des bouteilles d’eau minérale proposée par Jacques Neirynck. Pourtant il n’y a pas de souci à se faire car nous vivons en démocratie directe. Chaque nouvel interdit est analysé, débattu, puis accepté ou refusé (…) La population accepterait-elle de ne plus boire d’eau minérale, de ne plus manger de frites-cervelas ou de renoncer au ski freeride ? J’en doute fort.
Patrick Reusser, Valangin