Swissinfo, le 11 juillet 2008 -Pour plus de concurrence dans les médias
Edicom, le 11 juillet 2008 – La droite alémanique en guerre contre les privilèges de la SSR
C’est une dépêche de l’ATS qui est ainsi proposée par ces deux médias électroniques : un appel à plus de concurrence dans les médias. Alors, on se dit : chic, plus de diversité dans notre information, quelle bonne nouvelle ! On va vite déchanter…
Cet appel émane d’un groupe qui prend pour nom « Action pour la liberté de la presse », mais qui semble s’intéresser avant tout aux médias audiovisuels que sont la radio et la télévision. Peut-être serait-il opportun de leur rappeler l’étymologie du mot « Presse » afin qu’ils ne perdent pas de vue qu’il s’agit avant tout des documents imprimés, donc des journaux et des magazines ? Manifestement, ils n’en ont cure…
Quelles sont les propositions du groupe, issu des partis bourgeois alémaniques :
- Réduire les moyens de la télévision publique : renoncer aux radios Swiss Jazz ou Swiss classique, ainsi qu’à la deuxième chaîne de la télévision suisse italienne.
- Autoriser les télévisions privées à émettre au niveau national (renoncer au cantonnement à des régions de desserte définies par l’Etat).
- Lever les restrictions imposées dans la publicité, notamment en faveur du tabac et de l’alcool.
- Ne pas prélever la redevance sur la télévision par internet.
(L’ensemble de ces mesures est un peu plus amplement décrit et expliqué par Le Courrier du 12 juillet en page 6 et en éditorial : http://www.lecourrier.ch/index.php?name=News&file=article&sid=440041 ).
L’idée n’est pas de discuter ici une à une chacune des propositions, mais bien de se demander s’il s’agit réellement d’un combat en faveur de la « liberté des médias ». Or, il se trouve que c’est une resucée d’une idée reçue déjà bien ancienne : l’Etat serait plus liberticide que les privés. Rien n’est plus faux, en particulier lorsqu’il s’agit des médias…
Les télévisions publiques (des pays voisins nous en ont apporté une démonstration éclatante) peuvent facilement passer aux mains d’intérêts privés puissants. TF1 pourrait-elle dénoncer un scandale dans la construction des autoroutes ? Jamais. Quant aux publicités en faveur de l’alcool et du tabac, voici la meilleure solution pour donner voix au chapitre aux vendeurs de ces produits et pour faire disparaître toute attitude critique des grands médias à leur égard. La ficelle est trop grosse, messieurs les bourgeois alémaniques. J’insiste sur ces derniers termes, car leurs propositions portent également en germe de mauvaises nouvelles pour les téléspectateurs romands et tessinois, si coûteux…
Non, décidément, une rapide comparaison des télévisions de plusieurs pays montre que l’indépendance d’esprit n’est pas spécialement du côté des télévisions privées (pensez à Berlusconi !). Est-elle pour autant du côté de l’Etat ? Pas forcément non plus, bien que le système démocratique suisse est fait de pluralisme et qu’un seul parti n’aura jamais la haute main sur les médias publics comme en France. La TSR a dans certains milieux de droite la réputation d’être à gauche, et moi je la trouve simplement centriste. Bien sûr, si quelqu’un est très à droite (à l’UDC, par exemple), il risque bien de voir la TSR à gauche… mais ce n’est pas vraiment probant pour autant.
On pourrait aussi pousser la réflexion un peu plus loin. Pourquoi vouloir toujours opposer une alternative fermée entre privé et public uniquement, alors qu’il existerait une troisième solution à prendre en compte ? Des médias organisés sous forme d’associations ou de coopératives, auxquelles chacun pourrait adhérer, et financés par des moyens publics octroyés sur la base de la loi (donc non-manipulables trop facilement par des intérêts particuliers). Et rien n’interdirait dans ce contexte un certain pluralisme, une concurrence, une émulation… Utopique ? Dommage, car ce serait vraiment un plus en matière de libertés. Peut-être que trop d’intérêts s’y opposent déjà…
Dani