Site de la Télévision suisse romande, 4 juillet 2008 – Chanvre: de la prohibition à la régulation
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=9297513
(Texte de l’initiative populaire : http://www.admin.ch/ch/f/pore/vi/vis325t.html )
L’onglet de la page principale du site de la TSR indique : « Chanvre, un comité interpartis s’engage pour la dépénalisation« . Un clic permet d’accéder à la page consacrée à cette information sur laquelle on trouve un nouveau titre : « Chanvre : de la prohibition à la régulation ». Les mots en « tion » s’accumulent, mais pas forcément dans la plus grande des clartés. Un petit tour sur le site de la Confédération permet d’y voir un peu plus clair, du moins pour le citoyen qui n’avait pas suivi avec attention le dépôt et la récolte de signatures en faveur de cette initiative (c’est mon cas).
Les débats autour de la question du cannabis sont généralement d’une grande confusion. Les mots dépénalisation, légalisation et libéralisation sont utilisés tour à tour comme s’ils étaient des sortes de synonymes. Or, ce n’est de loin pas le cas. De plus, il conviendrait à chaque fois de préciser de la dépénalisation ou de la légalisation de quoi on parle. Sans cela, on se retrouve dans un discussion de bistrot imprécise qui n’aura aucune chance d’aboutir à plus de clarté pour le lecteur-citoyen.
Dépénalisation (de la consommation surtout) : Cela signifie qu’on renonce à punir pénalement (en lui infligeant une contravention ou par une peine de prison) le consommateur de drogues. Cela n’implique en rien une légalisation ou une libéralisation des produits en question. On arrête juste de punir les « victimes » que sont les consommateurs. Cela n’implique pas forcément d’ailleurs une levée de l’interdiction, car une confiscation ou des amendes administratives (donc non-pénales) resteraient possibles. Par contre, une dépénalisation de la production et de la vente équivaudraient quasiment à une légalisation ou à une libéralisation de fait. On peut aussi imaginer d’autres variantes de dépénalisation qui engloberaient par exemple également l’auto-production.
Légalisation : Ici, il s’agit d’inscrire dans la loi que des produits considérés comme des drogues sont autorisés, du moins en respectant certaines conditions prévues par la loi. Dans les faits, la légalisation pourrait signifier que l’Etat prenne en charge la question à la place de la laisser au marché (aujourd’hui illégal). Une légalisation peut prendre toutes sortes de formes, de très ouvertes à très strictes et limitées (comme en Suisse dans le cas de la prescription médicalement assistée de l’héroïne, par exemple). La légalisation n’implique pas forcément une libéralisation. En effet, la chose n’est pas libre si l’Etat décide de tout contrôler, soit par le biais d’un monopole public, soit par l’octroi de concession ou une autre forme de contrôle direct.
Libéralisation : Cette option consisterait à décider de considérer les drogues comme des produits ordinaires et à en permettre le commerce. Dans cette solution, l’Etat se contenterait d’un contrôle indirect (par exemple les règles d’hygiène) comme il le fait pour les yogourts ou pour la viande.
Comme on peut le constater, il y a plus que des nuances entre les trois concepts. Ces différences sont souvent ignorées dans de nombreuses conversations et on pourrait attendre des médias qu’ils contribuent à une certaine clarification. Ce n’est pas très souvent le cas malheureusement et l’article cité en préambule n’échappe pas à ce piège. Il évoque en titre une dépénalisation, mais glisse ensuite très vite sur une régulation (des règles, donc une légalisation) pour décrire une initiative qui comporte plusieurs volets différents. Pas suffisamment clair : franchement, à la lecture de l’article, on ne sait pas vraiment de quoi il s’agit.
Qu’en est-il en définitive de cette initiative évoquée sur la page de la TSR ? L’alinéa de l’article 105a proposé comme amendement à la Constitution fédérale énonce clairement une dépénalisation de la consommation, de la possession et de l’achat pour son propre usage du chanvre. L’alinéa 2 propose la même chose pour la culture personnelle. Par contre, l’alinéa 3 est assez différent : « La Confédération édicte des prescriptions concernant la culture, la production, l’importation, l’exportation et le commerce des substances psychoactives du chanvre ». Et c’est certainement sur ce troisième alinéa que vont se focaliser bien des débats, car il ouvre une perspective de légalisation en prévoyant l’importation et l’exportation.
Seule des distinctions rigoureuses dans les termes peuvent autoriser une réflexion saine et sérieuse sur la question. Si on pouvait éviter une énième guerre de religion sur cette question, ce serait pas mal et les mots joueront un rôle là-dedans… Merci d’avance aux médias de contribuer à la qualité du débat !
Dani
P.S. : On retrouve les mêmes ambiguïtés sur le site de Swissinfo : http://www.swissinfo.ch/fre/24_heures_en_suisse/Cannabis_depenaliser_serait_raisonnable.html?siteSect=104&sid=9298283&cKey=1215188243000&ty=nd