Editorial de l’Hebdo du 31 juillet 2008 : Il est interdit d’interdire (Olivier Toublan)
http://www.hebdo.ch/Edition/2008-31/Chronique/editorial/edito.htm
L’éditorialiste de l’Hebdo prend peur : est-ce qu’on va interdire l’eau minérale, le sucre, les panneaux solaires, le sport, les informations trop perturbantes, pour arriver à un « monde parfait » ? Manifestement, son éditorial est pour lui l’occasion d’évoquer un fantasme. Revenons aux faits.
De quoi s’agit-il ? D’abord, d’un retour sur le bannissement des cigarettes des lieux publics. Des « petites voix » avaient averti que c’était le début de « toute une série de lois liberticides ». Et le rédacteur en chef adjoint de continuer la liste : « certains parlementaires cantonaux » veulent bannir les jeux vidéo violents (si on recensait tout ce que « veulent » « quelques parlementaires », la liste serait bien longue !), « en Californie », les graisses trans viennent d’être prohibées (En Californie, Monsieur le rédacteur !), les verts viennent de lancer une initiative pour interdire les grosses cylindrées. Il ajoute que les sucres, la viande et l’eau minérale sont les suivants sur la liste (encore, « quelques » parlementaires, je suppose…).
Dans l’art de l’amalgame, c’est pas mal du tout ! Pourquoi vouloir unir dans un « combat pour la liberté » une opposition à ces interdictions ? Pourquoi tout jeter dans le même sac ? D’ailleurs, si on voulait vraiment parler de « liberté », on pourrait aussi évoquer celle des serveurs de bistrot de respirer un air sain (et de choisir une autre mort que le cancer du poumon ?), celle des futures générations de vivre dans un monde pas complètement polluée et au climat déréglé, celle d’enfants d’obèses d’avoir des parents capables de faire du vélo avec eux , etc. La liberté, c’est très pratique, c’est un concept qu’on peut coller à n’importe quoi. A une époque, il servait à s’opposer aux limites de vitesse : liberté de foncer contre liberté de rester vivant ou valide… Depuis, on a sauvé de nombreuses vies (peut-être la vôtre aussi, Monsieur le rédacteur…). Cette conception de la liberté est celle des enfants gâtés, une liberté de satisfaire toutes ses envies et toutes ses pulsions.
Et tout y passe, les « liberticides » sont « politiquement corrects », « bien pensants », « dans l’air du temps », « c’est une nouvelle religion » et « on ne voit pas où ces interdictions vont s’arrêter ». Ouf, quelle hargne. Sur des sujets comme la prévention du tabagisme ou l’écologie des transports, on pourrait tout de même espérer des éditoriaux qui iraient au-delà des poncifs. Quelle platitude que tous ces thèmes jetés sans nuance dans le sac unique du combat pour les libertés. Et on en oublie de parler du fond de ces questions : est-ce que les solutions proposées sont utiles, nécessaires, sont-elles efficaces, combien coûtent-elles, quels seraient leurs avantages et inconvénients, etc. Sans doute bien trop complexe pour la chaleur de cette fin juillet…
Rassurez-vous, M. Toublan, notre liberté va bien plus loin que la cylindrée de nos véhicules ou le contenu en acides grans trans de nos viennoiseries. Vous pouvez vous rendormir !
Dani
Rappels en passant :
- On peut se déplacer en voiture sans pour autant acheter un 4×4 (pour rouler en ville à 30 km/h).
- On peut faire des frites sans utiliser les acides gras trans (et elles seront meilleures !)
- On peut fumer une clope sur le trottoir, sans gêner les autres consommateurs
… on reste libre…
15.8 : Trouvé dans le courrier des lecteurs de l’hebdo, une lettre qui complète le propos :
(…) Le fameux proverbe « interdit d’interdire a montré ses limites. Il n’est simplement pas possible de respecter la liberté de chacun surtout si l’objet qu’on défend est une chose absurde. Pourquoi devrait-on posséder un molosse qui peut défigurer un enfant ? Pourquoi laisserait-on une arme à la maison alors qu’on risque de tuer une ou plusieurs personnes en cas de « pétage de plomb » ? Cette tendance donne évidemment des ailes à certains pour revendiquer tout et n’importe quoi comme l’interdiction des bouteilles d’eau minérale proposée par Jacques Neirynck. Pourtant il n’y a pas de souci à se faire car nous vivons en démocratie directe. Chaque nouvel interdit est analysé, débattu, puis accepté ou refusé (…) La population accepterait-elle de ne plus boire d’eau minérale, de ne plus manger de frites-cervelas ou de renoncer au ski freeride ? J’en doute fort.
Patrick Reusser, Valangin
Le Matin du 29 juillet 2008 : Affaire Kadhafi: la Suisse pourrait suspendre la procédure juridique
http://www.lematin.ch/fr/actu/suisse/detail.php?idIndex=9&idContent=206673sondage_bloc
L’histoire qui tient en haleine la presse helvétique depuis une semaine est au fond assez simple, elle tient en quelques lignes :
1) Un fils à papa très riche est arrêté à Genève sur plainte de mauvais traitements et de violences de ses employés. Il passe deux nuits emprisonné et est finalement libéré sous caution, alors que la procédure judiciaire se poursuit. Rien à redire.
2) Comme il s’agit du fils du dictateur lybien, celui-ci décide de « faire payer » à des suisses (donc emprisonnés dans son pays en représailles) cette « impudence ».
3) Les autorités suisses cherchent une issue, les journaux font des pages sur les risques de la crise et les solutions possibles.
Aujourd’hui, Le Matin poursuit avec l’étude des « moyens juridiques possibles » (c’est bien pratique en cette période de creux estival). Il interroge donc un professeur de droit afin de savoir si l’abandon des poursuites judiciaires contre le protégé serait réalisable. Jusque-là, tout est simple, ou presque.
Mais, justement, l’emploi trop constant du « conditionnel » pour anticiper des événements (pour être plus rapide que ses concurrents) conduit les lecteurs à comprendre de travers le titre d’aujourd’hui : « La Suisse pourrait suspendre la procédure » ne devait pas signifier qu’elle a l’intention de le faire ou qu’elle va le faire, mais bien qu’un professeur de droit interrogé estime qu’elle aurait le droit de le faire. Rien à voir ! Le journal devrait donc différencier ses emplois du conditionnel car son titre du jour est fort ambigu. Alors qu’il aurait pourtant pu écrire : « Les lois suisses permettraient une suspension de la procédure ».
Qu’est-ce qui permet de dire que le titre manque de clarté et que les lecteurs vont mal comprendre ? Un échantillon, ceux qui ont laissé un commentaire : on prépare la populace à encaisser une injustice, la Suisse va certainement céder sur des points de détails juridiques, nous vivons dans un Etat de passe-droit, ceci est le premier pas pour se prosterner…, et voilà… c’était à prévoir, il y a vraiment deux poids deux mesures dans ce monde, on va une fois de plus baisser notre pantalon, c’est là qu’on voit qui commande en réalité, etc. Finalement, l’un d’eux répond : « Euhh… Calmez-vous, les gens. L’article ne dit pas que la Suisse (ni le canton de Genève) est en train d’abandonner la procédure. Il dit simplement qu’il est juridiquement possible de le faire. Ne vous laissez pas avoir par le titre insidieux du journaleux ».
Une fois de plus, un titre qui pousse à l’incompréhension. Deux solutions sont possibles : soit que Le Matin fasse un gros effort dans sa titraille, soit que les lecteurs lisent les articles jusqu’au bout. Pour l’instant, je garde encore un léger espoir en faveur de la deuxième solution…
Dani
P.S. : …et la clarification vient d’arriver avec la libération des 2 suisses…
Site du Matin online, article daté du 15 juillet : Les affiches de la haine
http://www.lematin.ch/fr/actu/suisse/les-affiches-de-la-haine_9-197750#
Et revoici un article dont j’avais déjà parlé : les affiches de la haine. Le site du Matin se préoccupait d’affichages antisémites à proximité de la gare de Lausanne, ceci peu après avoir enfin (après insistance) décidé de faire le ménage sur son site à propos de semblables insanités (voir les billets de mi-juillet).
Lorsque j’avais écrit mon article, je n’avais pas véritablement fait attention à l’image proposée par Le Matin, bien que je l’aie utilisée comme lien vers l’article du journal. C’est un des commentaires qui avait attiré mon attention : « Je ne suis pas certains que publier la recette du cocktail Molotov (sur la vignette) soient vraiment une bonne idee… » . Un autre commentaire précisait : « Les terroristes en herbe remercieront le matin pour la recette de bombinette qui figure en photo. Ce la leur évitera de perdre des heures à la chercher sur internet« . Alors, rapidement, j’avais fait en sorte que la recette en question ne soit pas visible sur mon blog (où elle ne l’était en réalité pas vraiment, car la reproduction de l’image était vraiment petite).
Aujourd’hui, je retourne brièvement sur le site du Matin pour voir s’il y a du nouveau; je clique presque par hasard sur l’image en question… et qu’est-ce que je découvre ? Elle est pourvue d’un système de zoom qui la rend parfaitement lisible !!! Une recette détaillée et pratique du cocktail Molotov, sur le site très fréquenté d’un quotidien romand… Bravo ! Bien sûr, on peut la trouver aussi ailleurs sur internet, et même Wikipedia en explique les rudiments. Mais pas aussi précisément et sans petits conseils astucieux.
Conclusion : le site du Matin est un outil en majeure partie automatisé, dont personne ne se préoccupe chez Edipresse. On peut y trouver des appels à la haine, à la violence et même des recettes précises pour les terroristes amateurs. Si on se mettait à chercher systématiquement, je me demande bien ce qu’on y trouverait encore…
A quand un minimum de contrôle ?
Dani
P.S. : ils vont croire que je leur en veux…
Le Temps du 25 juillet – Dépêche de l’AFP : Selon l’indice Big Mac, l’euro est surévalué
Les dépêches d’agences ne sont pas sur le site du quotidien, mais on trouve quasiment le même texte sur le site de la revue Challenges : http://www.challenges.fr/actualites/finance_et_marches/20080725.CHA4695/leuro_est_bien_surevalueselon_the_economist.html
Il est devenu célèbre, « l’indice Big Mac » ! Il revient fréquemment dans les conversations et on a souvent l’impression qu’il convainc plus de monde que l’indice des prix à la consommation patiemment calculé par les spécialistes de l’Office fédéral de la statistique et leurs homologues des autres pays. De quoi s’agit-il ? Tout simplement de remplacer le calcul de l’évolution des prix basée sur une moyenne pondérée des augmentations par l’évolution du prix d’un seul produit, le trop fameux « Big Mac » des restaurants MacDonald. En réalité, une forme de plaisanterie, mais qui est parfois prise très au sérieux.
L’article publié dans le quotidien « Le Temps » nous assure que cet indice permet aujourd’hui d’affirmer que l’euro est surévalué par rapport au dollar (et c’est également le cas d’autres monnaies, notamment le francs suisse, la livre sterling et la couronne norvégienne). Sans rire, le « quotidien de référence », pourtant versé dans l’économie, relaie une information produite par « The Economist » (par provocation annuelle) et proposée en français par l’Agence France-Presse : étant donné qu’un Big Mac vaut en moyenne 3,57 dollars aux Etats-Unis et qu’un américain devrait changer 5,34 dollars en euros pour en acheter un sur notre continent, on peut déduire que l’euro ne « devrait » valoir que 1,06 dollars (et non 1,57). Le même calcul permettrait de calculer une surévaluation du franc suisse de 78 % par rapport au dollar. J’adore quand les journaux de référence publient des dépêches d’agences sans enclencher la fonction « esprit critique » !
En soi, l’indice « Big Mac » n’a rien d’idiot. C’est tout simplement un indice sectoriel très pointu, puisqu’il n’évalue qu’un seul produit, comme si on calculait l’indice du Nutella ou celui de la banane Chiquita. Il a juste l’avantage d’être basé sur un produit qu’on trouve quasiment à l’identique à tous les points cardinaux, d’où son évident succès. En tant que contrepoint provocateur à des indices parfois controversés, il a aussi sa raison d’être. Mais vouloir lui faire exprimer la surévaluation ou la sous-évaluation des monnaies, c’est tout de même un peu gros. Que dirait-on si je le faisais avec la boîte de base des briques Lego ?
La valorisation des devises, ici le dollar et l’euro, n’est de loin pas déterminée que par les prix des biens et services vendus dans les zones monétaires en question (et certainement pas par un unique produit, fût-il mangé par les obèses du monde entier…). Pour comprendre le cours d’une monnaie, il faut prendre en compte la balance des paiements des Etats impliqués, c’est-à-dire autant le commerces des biens et services, les versements de revenus du travail et des capitaux que les divers investissements internationaux et la constitution des réserves de change par les banques centrales. Au surplus, il y a encore la spéculation justement accusé de surévaluer ou sous-évaluer les monnaies. Mais faire fi de tout ce qui précède est tout vraiment stupide. Si les banques centrales d’Asie décident de constituer un peu plus de réserves en euros et un peu moins en dollars, ou que les investisseurs préfèrent placer leur épargne en Allemagne qu’aux Etats-unis, on ne peut tout de même pas tout laisser sur le côté et se contenter d’estimer sur la base du « pouvoir d’achat Big Mac » que la monnaie européenne est surévaluée.
Et ce d’autant plus que le prix d’un bien en particulier, ici le Big Mac, est déterminé par toutes sortes de contingences nationales et/ou locales : le niveau des salaires, des charges sociales, des taxes, des matières premières, etc. L’essence est moins chère aux Etats-unis aussi, mais on n’osera pas se lancer dans des déductions fantaisistes, car on sait pertinemment que les taxes y sont moins élevées qu’en Europe.
A l’instant, je relève le prix d’un CD sur un site américain au prix de 16 dollars et je le retrouve sur un site européen à 15 euros. Mince alors, je pourrais en déduire moi aussi qu’un euro « devrait » valoir 1,06 dollars…
Que dois-je faire ? Prolonger moi aussi la grande chaîne des perroquets prêts à évaluer le juste prix des principales monnaies à l’aide d’un objet particulier ? Pas très sérieux…
Dani
Sur ce blog depuis 100 jours… le 28 juillet 2008 !
Les 100 jours de l’ouverture de ce blog coïncident avec mon retour de vacances (c’est d’ailleurs vachement pratique de pouvoir programmer des publications d’articles à l’avance pour faire semblant d’être là… ) …le moment de tirer un petit bilan !
L’idée de ce blog est apparue lors d’une discussion avec quelques uns de mes étudiants, suite à l’évocation d’informations erronées publiées dans la presse. J’ai saisi la balle au bond et commencé à écrire. Trois mois plus tard…
Quelques chiffres (28 juillet à 23 heures) :
Nombre de visites en tout : 5570
Article le plus souvent vu : « L’UDC et ses statistiques » avec 655 visites
Page annexe la plus visitée : « Jeux de géographie » avec 452 visites
Nombre d’articles : 64
Nombre de commentaires : 73 (dont 13 de moi, donc 60)
C’est aussi pour moi l’occasion de remercier ceux qui ont mis des commentaires (c’est sympa, parce qu’on se dit qu’au moins eux ont lu un article et ne sont pas seulement arrivés par le hasard des mots-clés de Google et sans jamais rien lire !). Remerciements aussi à ceux qui ont relayé l’histoire des commentaires sur le site du Matin (appels à la violence raciste)… Une petite « agitation » qui aura peut-être permis que les modérateurs d’Edipresse se réveillent !!!
Et maintenant, pour s’étonner et s’amuser un peu, quelques mots-clés étonnants qui ont conduit, au travers des moteurs de recherche, des internautes à atterrir sur mon blog :
porno suisse, euphémismes gros, 24 heure voiture 2008, sexualité europe, obélix, porno avec des animaux (!), salle d’audience porrentruy, schéma coeur gauche, porno +20, crocodile méchant, statistiques de l’immigration en Slovénie, la peur, porno fille de 16 ans (!), suissesses contre françaises, position sexuelle, caïman en France, faire huile solaire soi-même, coureur cycliste figurine à découper, liste des journaux belges, des images des garçons porno (!), blog chez Securitas, échantillons crème solaire, apatride vivant suisse, caractère python royal, porno réalité, pourcentage de l’Italie, statistique passeports, noms de journaux anglais, altavista, vol à la portière, prof de statistique, obélix nu, avortement schéma, beurk, projet charme de tournage senior 2008…
J’en passe, et des meilleurs… En tout cas, on peut dire que le hasard joue un rôle certain dans la fréquentation des blogs !
Je finirai sur une conviction : il est nécessaire, face à des médias qui ont furieusement tendance à privilégier une information-spectacle et à vouloir aller plus vite que les événements (et parfois à les créer pour l’occasion), ou à monter en épingle des faits bien peu significatifs mais outrageusement racoleurs, de développer des contre-pouvoirs. Internet offre la possibilité de très facilement proposer des alternatives au pouvoir médiatique établi, aujourd’hui sous forme de blogs personnels, demain peut-être de manière plus collective et concertée. Puisse ce blog contribuer dans une modeste mesure à cette nécessité démocratique…
En tous les cas, n’hésitez pas à faire des remarques, critiquer, proposer, suggérer, cela fait partie du jeu des blogueurs !
Dani
En rapport avec la presse écrite…
C’est l’été, la presse remplit partiellement ses pages avec des banalités… et moi aussi ! Ci-dessous, je vous propose une petite friandise, un petit retour sur l’origine de quelques mots utilisés quotidiennement ou presque lorsqu’on évoque l’information.
Journal :
Assez naturellement, je commence avec ce mot qui était d’abord un adjectif, venu à travers le moyen-âge de « diurnalis » (ayant glissée en jornalis ou jurnalis) et dérivant du latin « diurnum » (de jour). On reconnaît nos mots actuels « diurne » et « jour » sans difficulté. A l’origine, « diurnalis » ou « jornalis » désignait la surface labourable en une journée de travail et ce n’est que plus tard qu’il est devenu substantif et qu’il a permis de désigner le fait de relater les actes d’un jour. Dès le XVIIe siècle, il va désigner une publication périodique, d’abord savante (ce qu’on appelle aujourd’hui généralement une revue), puis va rivaliser quelques temps avec l’italianisme « gazette » avant de s’imposer. Il deviendra également « journal parlé » au XIXe et « journal télévisé » au XXe siècle… Et au XXIe ?
Il donnera aussi « journaliste » qui va remplacer au XVIIIe siècle « nouvelliste » qui désignait celui qui faisait le journal. On dérive également de manière péjorative en « journaleux ».
Presse :
C’est le supin « pressum » du verbe latin « premere » qui va donner « pressare » pour signifier « exercer une pression » ou « serrer pour obtenir un liquide » (du vin ou de l’huile…). A partir du XIIIe siècle, le mot presser s’utilisera pour marquer une empreinte ou imprimer. La « presse » va tout naturellement devenir le mécanisme capable d’exercer cette pression, puis avec l’apparition de l’imprimerie au XVe siècle la machine à imprimer elle-même : c’est l’origine de la locution « mettre sous presse ». Par métonymie, le terme va désigner ensuite le nombre de feuilles que les imprimeurs auront tiré en un jour (tiens, on retrouve la même logique qu’avec le mot journal). Enfin, par extension, cela devient l’ensemble des journaux et périodiques puis l’ensemble des journalistes. On pourra ainsi « avoir bonne ou mauvaise presse ».
Magazine :
Parfois, les mots circulent d’une langue à l’autre. Ainsi, le mot « magazine » est emprunté à l’anglais à la fin du XVIIIe siècle, alors qu’il avait été emprunté par les anglais au français deux siècles auparavant sous la forme de « magasin ». Les français eux-mêmes, par l’intermédiaire des italiens, l’avaient repris des arabes chez qui il signifiait « entrepôt », au pluriel. Les anglais, au sens figuré, en ont fait un « ensemble ou arsenal d’informations » et c’est sous cette forme qu’il nous est revenu.
Rédaction :
C’est un emprunt au bas latin « redactio » au XVIe siècle qui signifiait alors « réduction » en mathématiques (du supin « redactum » du verbe ridigere – rédiger). Après séparation entre rédaction et réduction (avec les journaux gratuits, on en reviendrait presque aux origines !), il se fixe au XVIIIe siècle comme l’activité de celui qui rédige, puis comme l’équipe de rédacteurs.
Abonnement :
Celui-ci ressort du latin médiéval « abonnare » qui a hésité entre aborner, abourner, abonner et d’autres formes encore. Issu de « borne », il signifiait donc « fixer une limite », mais son sens a par la suite glissé vers « être mis en possession de » et prendra donc le sens d’ « avoir une convention moyennant un paiement déterminé à échéances fixes ». Abonner et abonnement se suivent tout au long de cette évolution qui conduit à l’abonnement de journal sous la révolution, dès 1798.
Editorial :
Encore un emprunt à l’anglais, dérivé de « editor » pour le directeur ou le rédacteur en chef d’un journal. L’origine du terme est le latin impérial « editor ».
Canard :
S’il désigne aujourd’hui péjorativement un journal de peu de valeur, il est issu à la base d’une « fausse nouvelle lancée dans la presse », qu’on nommait justement « canard ». Repris ironiquement par le « Canard enchaîné », lecture pourtant hautement recommandable…
Quotidien :
On peut facilement reconnaître son origine latine en deux parties, « quot » (pour combien) et « dies » (pour jour, qu’on retrouve encore et « toujours »). Il désigne donc ce qui revient chaque jour. Le mot avait évolué en cotidien ou cotidian, mais une réfection orthographique l’a ramené à ses origines étymologiques au XVe siècle. D’abord adjectif, il a été substantivé dès le XIXe siècle.
Et voilà… Je me suis bien aidé du « Dictionnaire historique de la langue française » des éditions Robert. Une merveille !
Dani
… et vive les vacances !!!
Dans les médias, du 14 au 18 juillet 2008
Mise au point, émission de la TSR du 13 juillet 2008 – Interview de jean-Luc Wingert : La vie après le pétrole
http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=500000#vid=9327300
Une bonne interview qui remet le baril au milieu du tanker. Intéressant et clair.
Article de Jean-Daniel Delley sur Domaine Public (13.7.2008) – Financement des partis politiques: les budgets gonflent, mais l’opacité demeure
http://www.domainepublic.ch/files/articles/html/9886.shtml
Suite à un mémoire sur le financement des partis politiques, qui passe à côté de l’essentiel, voici un article qui montre un peu mieux les enjeux.
Chronique « Court-circuit » de Anouch Seydtaghia du 14 juillet 2008 – Irrationnels face à un téléphone
Sur l’achat des téléphones portables…
Article de Jérôme Faas dans 24 heures du 15 juillet 2008 : Leur civisme leur vaut une facture de 356 francs !
(pas de version online)
Bien sûr, voici le genre d’article qui pourrait inciter des gens à s’abstenir plutôt que de tenter d’aider leur prochain. Mais on peut aussi espérer que des élus le liront et envisageront une petite ligne budgétaire supplémentaire pour cas inhabituels.
Bonne lecture !
Dani
24 heures du 17 juillet 2008 – EasyJet lance deux nouveaux vols de Genève
http://www.24heures.ch/pages/home/24_heures/l_actu/economie/detail_economie/(contenu)/245451
Le phénomène est de plus en plus fréquent dans nos journaux quotidiens, notamment dans les gratuits. Aujourd’hui, c’est dans le vénérable « 24 heures » qu’on peut le remarquer : certains articles sont devenus de simples relais de la communication des marques et des entreprises. Ainsi, le quotidien vaudois se donne aujourd’hui pour tâche de nous informer du développement de l’offre de voyages par la principale compagnie d’aviation à bas pris, EasyJet.
Cet article ne dit rien de plus que ce que dirait une annonce payante publiée par la compagnie elle-même. Les phrases mêmes du journalistes ne géneraient pas dans une publicité et le responsable commercial d’EasyJet est cité à plusieurs reprises :
- La Compagnie (…) va couvrir Stockholm et Manchester dès cet hiver. Pas de surtaxe carburant en vue.
- Dès ce hiver (…) deux nouveaux vols agendés en direction de Stockholm edt Manchester (dès 41,95 francs l’aller simple)…
- Ces deux destinations viennent compléter notre offre, déjà riche de 30 liaisons.
- EasyJet a procédé à quelques ajustements pour ses plans de vols d’hiver.
- Nous allons développer le réseau (…) … services de location de voitures et d’hôtels, aux assurances et à la consommation à bord…
- La compagnie britannique ne vas pas instaurer de surtaxe sur le carburant.
Le journal nous offre encore une photo en couleur du décollage d’un des avions, avec en légende : les résultats d’EasyJet sont remarquables et la compagnie est la plus importante de Cointrin. Le journaliste est un fan…
Bref, soit des reprises des termes du responsable ou des documents de la firme, soit des transformations phrases afin de les mettre à la 3ème personne. Service minimum, voire moins. Que reste-t-il du travail journalistique ? Quelle recherche d’information, quel esprit critique ? En relisant la déclaration des devoirs et des droits du journaliste du Conseil suisse de la presse, je vois que le point 10 propose : s’interdire de confondre le métier de journaliste avec celui de publicitaire : n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs publicitaires. Bien sûr, dans le cas qui m’occupe ici, il n’y a très certainement eu aucune consigne donnée explicitement. Mais où est la différence ? Tous les meilleurs arguments de vente d’EasyJet y sont.
Alors, cet article est-il nécessaire, ou au moins utile ? A mon sens, on pourrait tout de même laisser la compagnie faire elle-même sa publicité et rédiger ses annonces. Et payer. C’est tout de même une drôle de forme de remplissage d’été pour les pages « économie » du 24 heures, sachant qu’il y aurait nombre de sujets brûlants dans ce domaine ces derniers temps qui pourraient être traités au bénéfice des lecteurs, notamment les faillites en chaîne aux Etats-unis, le débat sur le secret bancaire, la chute des ventes automobiles, certaines « relocalisations », les enjeux de l’inflation renaissante, etc. Les journalistes compétents sont-ils tous à la plage ?
Dani
Quoi ? Comment ? Moi aussi, je fais de la publicité pour EasyJet ?
Le Matin du 16 juillet 2008 : Les affiches de la haine
http://www.lematin.ch/fr/actu/suisse/les-affiches-de-la-haine_9-197750#
Il faut battre le fer quand il est chaud…
Ceux qui ont suivi l’épisode des commentaires hostiles aux Roms, restés sur le site du Matin jusqu’à l’évocation d’une plainte pénale et une lettre au médiateur, vaut pouvoir largement sourire. Aujourd’hui, Le Matin s’inquiète d’affichages sauvages violemment antisémites régulièrement placardés près de la gare de Lausanne et s’étonne que leur auteur puisse étaler ainsi sa haine depuis des mois en toute impunité.
Que dit l’article du jour ? Que l’auteur étale sa haine au grand jour et n’hésite pas à joindre la recette du cocktail Molotov aux affiches dénonçant le « rêve judéo-américain ».
Pendant un mois, jusqu’à insistance de plusieurs blogueurs, Le Matin a laissé sur sa page d’accueil un lien conduisant à un des articles les plus commentés : les commentaires appelaient pour certains ouvertement à la violence contre les Roms (voir : ici et là).
Plus loin : « La théorie du complot juif peut-elle s’afficher au grand jour dans nos rues sans que personne ne s’en émeuve ? » L’auteur de l’article précise alors que ce genre de discours tombe sous le coup de l’article 261bis du code pénal.
Des appels à la violence raciste contre les Roms (“attaquons et brûlons leurs camps”, “fouttez leur le feu”) peuvent-ils rester ainsi sans aucune réaction du modérateur ou de la rédaction (pourtant prévenue) sur le site internet d’un des journaux les plus vendus de Suisse ?
A deux reprises, l’article insiste sur le comportement « citoyen » du Matin :
- (A propos de la porte-parole de la police) : Contactée par Le Matin hier, elle confiait que l’existence de ces messages n’était jamais parvenue à ses oreilles.
- Quant à la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), également avertie par Le Matin de la présence de ces affiches (…)
Décidément, qu’est-ce qu’on ferait sans Le Matin. Ce chevalier blanc s’affaire avec diligence à nous préserver des affiches racistes. Au fait, à propos des commentaires racistes sur le site ? Le journal évoque encore la venue sur les lieux de la police judiciaire pour photographier et faire disparaître les placards haineux et la transmission des images au juge qui a ouvert une enquête pénale.
Donc, si je comprends bien, les affiches ont disparu… comme maintenant les commentaires sur le site. A quand la poursuite pénale ?
Edifiant : Le Matin arrive à jouer deux rôles totalement en contradiction l’un avec l’autre. D’une part, ignorer superbement des appels à la violence envers les Roms sur son site ainsi que les appels à sa rédaction et, d’autre part, jouer les émissaires vertueux pour protéger les juifs attaqués. Pourtant, ces deux populations étaient réunies dans les persécutions nazies…. elles ont toutes deux droit à une protection.
Je suis curieux de lire les commentaires qui vont suivre… En attendant, j’ai proposé mon commentaire personnel :
Pourquoi Le Matin, particulièrement diligent dans le cas de ces affiches, a-t-il autant tardé avant de supprimer des appels à la violence racistes contre les Roms figurant sur son site ?
On parie que je serai modéré sévèrement, voire que mon commentaire sera supprimé ?
Dani
PS : Cette fois, je me suis inscrit, comme ça on ne peut plus simplement « ignorer » mes commentaires; il faut les « supprimer »…
PS-2 : Pari raté : mon commentaire est toujours là ! (est-ce quelqu’un regardes ces commentaires au sein de la rédaction ?)
Suite des articles précédents sur le même sujet :
http://pikereplik.unblog.fr/2008/06/13/site-du-matin-supprimez-les-commentaires/
http://pikereplik.unblog.fr/2008/07/13/commentaires-sur-le-site-du-matin-enfin-une-reaction/
Mon premier article (du 13 juin) n’avait suscité aucune réaction du côté de la rédaction du Matin : ils ne lisent probablement pas mon blog. Pourtant, un lecteur leur avait fait suivre mon article, mais sans plus de résultat. Il y a trois jours (12 juillet), j’ai tenté d’ajouter un commentaire à la série des 282 déjà existants en disant que des appels à la violence figuraient sur le site du Matin et que je me demandais s’il fallait une plainte pénale pour que les responsables s’en préoccupent. Le résultat fût faible : l’article n’apparaissait plus en page d’accueil du Matin online, mentionnait zéro commentaires dans son entête, mais les commentaires étaient toujours présents, y compris tous ceux qui appelaient à la violence.
Suite à un commentaire à mon deuxième article, j’ai écrit au médiateur d’Edipresse. Quelques heures plus tard, l’article n’était plus atteignable à son adresse habituelle (on peut toutefois le retrouver dans les archives) : http://www.lematin.ch/fr/actu/suisse/les-roms-mendient-dans-les-trains_9-159121. Et les commentaires avaient tous disparu, sauf les deux derniers (qui sont toutefois inoffensifs). Etrange… coup de balai rapide et peu attentif ? Bref, l’action demandée a eu lieu.
Par contre, aucune réponse du médiateur, ni de personne d’autre de la rédaction. Tout se passe dans un silence assourdissant. De plus, lorsque j’ai tenté de répondre au message automatiquement d’accusé de réception du médiateur, un message m’a alors signalé qu’il était absent jusqu’à fin juillet. Qui a donc agi ? Pas forcément le médiateur donc, mais il y a une autre hypothèse : d’autres blogs peut-être plus lus que le mien en ont aussi parlé. Voyez plutôt :
Zebrablog : Matin online et commentaires racistes. http://zebrablog.net/sugus/index.php/2008/07/13/970-matin-online-et-commentaires-racistes
Le blog politique de Fabien Fivaz : Commentaires à caractère raciste sur le site du Matin.
http://www.fabienfivaz.ch/news/232/commentaires-a-caractere-raciste-sur-le-site-du-matin
Smooth Planet : Le Matin ne gère pas son espace numérique.
http://www.smoothplanet.com/le-matin-ne-gere-pas-son-espace-numerique/621/
Cmicblog : Modération des commentaires vs liberté d’expression. http://www.cmic.ch/2008/07/14/moderation-des-commentaires-vs-liberte-dexpression/
…chacun apportant de nouveaux éléments de réflexion. Peut-être que la chose devenait trop « visible ». Toujours est-il que tout à coup, l’action est devenue rapide, alors que les commentaires incriminés avaient tenu un mois sans modération auparavant.
Le résultat souhaité est donc atteint, mais je dois avouer que j’aimerais quand même bien lire une prise de position du médiateur sur ce cas (étant donné que les commentaires appelant à la violence sont restés visible pendant tout un mois grâce à un lien en page d’accueil !). Si j’obtiens une réponse, je vous tiendrai au courant !
Notons encore au passage que les commentaires incriminés sont contraires aux « conditions générales d’utilisation » de la fonction forum qui permet de commenter les articles du Matin : http://www.lematin.ch/fr/aide/mentions_legales/. Manifestement, ils sont aussi en infraction à l’article 261b du code pénal.
Grâce au dernier blog mentionné ci-dessus, j’ai pu découvrir un article de Daniel Cornu, le médiateur d’Edipresse, dans la revue Tangram de mai 2008, intitulé « Liberté d’expression et enjeu éthique« . Il évoque très directement les problèmes rencontrés avec ce genre de commentaires : l’anonymat, l’éthique professionnelle et la modération. Il dit notamment :
- Les règles de l’éthique professionnelle s’appliquent également au journalisme sur l’internet.
- Camouflés derrière leur écran, des internautes malveillants laissent courir sur leur clavier des propos injurieux et calomnieux qu’ils n’oseraient jamais tenir à visage découvert.
- Il est de la responsabilité de la rédaction de « modérer » les textes, autrement dit : de les filtrer et de les contrôler.
- L’anonymat ne se justifie que s’il est modéré avec la plus grande attention par l’hébergeur.
Je me réjouis de lire sa réponse… si elle arrive.
Est-ce la fin de cette histoire ? Probablement… Et pourtant, il reste peut-être bien des commentaires inacceptables à la suite d’autres articles du même genre. D’autre part, Le Matin continue à attirer ce genre de réactions en stigmatisant systématiquement certains groupes de la population : ils ne sont d’ailleurs pas contentés d’un seul article sur les Roms, loin de là… J’aurai peut-être l’occasion d’y revenir.
La liberté d’expression, c’est bien. Mais cela ne justifie pas des excès racistes et/ou violents.
Dani
P.S. : J’ai évidemment des copies des commentaires maintenant supprimés. Sait-on jamais…